Bornéo, Sarawak – Neurothemis fluctuans (Fabricius, 1793)

Neurothemis fluctuans mâle, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025
Neurothemis fluctuans mâle, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025

Neurothemis fluctuans est un des trois Neurothemis au Sarawak.
Il se différencie de N. ramburii et de N. terminata par sa petite taille, 22 à 25 mm (1), ses marques abdominales et sa nervation.
Ces détails sont mis en évidence ci-dessous :
– le nombre de cellules dans le triangle de l’aile antérieure est faible (cercle jaune), environ 4 à 7 (5 ci-dessous, 7 ci-dessus)
– de part et d’autre de la carène dorsale abdominale, on trouve des paires de points (flèches blanches), plus ou moins discrets ; ces points ne sont pas visibles pour les deux autres espèces, la coloration étant à ce niveau fondue avec la tache de l’apex des segments
– les marques latérales sur l’abdomen (flèches jaunes) sont petites et centrées dans les segments.

Neurothemis fluctuans mâle, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025
Neurothemis fluctuans mâle, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025

La coloration alaire peut-être proche de celle de N. ramburii (huit cellules dans le triangle alaire de ce sujet du Sarawak), très variable également, avec la maculation de l’aile postérieure très arrondie. Elle est par contre éloignée de celle de N. terminata (12 cellules dans le triangle de ce sujet du Sarawak) pour l’aile postérieure pour lequel elle ressemble à celle de l’aile antérieure, rejoignant le bord postérieur de l’aile en ligne droite.

Seehausen et Dow (2) ont apporté une révision très attendue à ce genre et on peut dans leur travail profiter de dessins et de reproductions explicites concernant tout d’abord la coloration alaire ; on note comme N. fluctuans et ramburii peuvent être ressemblants sur ce point, par exemple les variations N. fluctuans « d » et N. ramburii « d » et « f », et qu’on ne peut pas se fier à ce seul élément pour assoir l’identification.

Ailes des Neurothemis fluctuans, ramburii & terminata, Seehausen & Dow, 2016 (2)
Ailes des Neurothemis fluctuans, ramburii & terminata mâles
d’après Seenhausen et & Dow, 2016 (2)

Sur les abdomens, on note surtout sur la vue dorsale, les paires de points de N. fluctuans, alors que pour les deux autres espèces, ces points sont intégrés dans la tache sombre apicale.

Abdomens des mâles (1)
Abdomens des mâles, d’après Seenhausen et Dow, 2016 (2)

Dans le Dragonflies of Japan (3) on trouve le dessin ci-dessous qui met en évidence les triangles alaires très différents entre N. fluctuans et ses deux cousins ramburii et terminata.

Triangle alaire des Neurothemis fluctuans, ramburii et terminata (3)
Triangle alaire des Neurothemis fluctuans, ramburii et terminata (3)
Neurothemis fluctuans mâle, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025
Neurothemis fluctuans mâle, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025 (4 cellules dans le triagle de l’A.A.)

C’est une espèce qu’on rencontre dans des habitats variés, près ou à distance de l’eau. Il apprécie les marais, les mares et les étangs, mais aussi les rivières, les fossés ou les canaux d’irrigation pour peu que les milieux soient assez ouverts. On le rencontre le long des pistes forestières ou en bordure de forêt.

Les femelles sont le plus souvent claires avec des marques sombres beaucoup plus visibles et le triangle alaire de leur aile antérieure ne comporte que deux cellules. On retrouve, de façon plus prononcée encore, les marques abdominales caractéristiques de l’espèce (comparaison des ailes des trois espèces présentent au Sarawak dans Seehausen et Dow, 2016(1)).
Si la femelle de gauche ci-dessous pourrait soulever quelques doutes quant aux marques latérales de son abdomen, on note la présence des points déjà évoqués pour les mâles et le triangle à deux cellules.

Il existe deux formes de femelles (2) ; l’une commune aux ailes hyalines (parfois plus sombres à l’apex), l’autre androchrome (isochromatic en anglais) dont la coloration du corps et des ailes est proche de celle des mâles et qui montre une nervation plus dense, avec 4 à 5 cellules dans le triangle de l’aile antérieure.

Mais sur la photo ci-dessous, on serait bien en peine de compter le nombre de cellules du triangle de l’aile antérieure de cette femelle à l’abdomen typique de l’espèce : la nervation est complètement bouleversée et déformée, à l’aile antérieure, comme à l’aile postérieure. À la façon dont les ailes sont plissées à l’apex, elle a sans doute connu des problèmes d’émergence, mais elle ne semble pas s’en soucier.

Sa distribution est large ; d’ouest en est, on le donne en Inde, en raison de sa présence dans les iles Nicobar et Adaman, jusqu’à Palawan, à l’ouest des Philippines, à travers le sud du Myanmar, le nord de la Thaïlande et Vietnam. Au sud, il est présent sur la Péninsule Malaise, Sumatra, Bornéo et Java (2).
IUCN Red List.

Cette dernière femelle a dû connaître des moments difficiles ; c’est sans doute une tentative de prédation qui lui a laissé un abdomen fortement désaxé…

Common Parasol female, Sarawak, Mount Matang, 03/23/2025
Neurothemis fluctuans femelle, Sarawak, Mount Matang, 23/03/2025

Étymologie
L’espèce décrite brièvement par Fabricius en 1793 prend le nom de Polyneura palliata avec Rambur, 1842, puis Neurothemis fluctuans avec Brauer.
Neurothemis (4), du grec neuro pour –nerf ou plutôt –nervure des ailes, en entomologie, et de Themis – déesse grecque de l’ordre et de la justice, a été utilisé de nombreuses fois depuis Hagen (1861). Le nom de la déesse de l’ordre est particulièrement bien adapté à la taxonomie, science qui vise à décrire et ordonner les familles, genres et espèces. Brauer a créé ce nom de genre en 1867 pour remplacer le genre Polyneura, créé par Rambur en 1842, car ce dernier était déjà utilisé chez les Hémiptères. Ce nom de genre était destiné à insister sur le grand nombre de cellules de leurs ailes.
Fluctuans ; Ngiam et Ng, 2022 (1) propose de traduire fluctuans, du verbe latin fluctuare qui signifie agité par les flots, ondulant, par le terme anglais de fluctuating qui signifie fluctuant pour la variabilité de la couleur du corps de l’insecte qui va de brun rouillé à rouge brique. C’est possible, mais d’une part, je doute que Fabricius ait eu en main de nombreux sujets au point de constater cette variabilité, et d’autre part, les sujets dont il a pu disposer ont mis des mois, si ce n’est des années à lui parvenir et étaient donc desséchés et décolorés.
Une autre explication ; souvenons-nous que ce sont les balbutiements de l’odonatologie, et il se pourrait que Fabricius se soit rendu compte ou ait voulu insister sur le fait que les ailes ne sont pas du tout planes, mais présentent une succession de creux et de bosses, ce qui est beaucoup plus facilement visible sur des ailes sombres et colorées comme celles d’un Neurothemis. Fluctuans serait alors proche de son sens original traduisant les ondulations de la surface de l’aile (ce que j’illustre ici avec une aile de Calopteryx virgo).

Son nom vernaculaire anglais est Common parasol ; il est commun, c’est vrai et il a pour habitude de se percher les ailes plus bas que l’abdomen, les antérieures très basses, semblant abriter du soleil son thorax ou… ce qui est sous lui, comme un parasol.

1- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022
2- Malte Seehausen & Rory A. Dow, 2016 – Morphological studies and taxonomic considerations on the ‘reddishbrownwinged’ group of Neurothemis Brauer, 1867 with the description of N. taiwanensis sp. nov. (Odonata: Libellulidae) – Journal of the International Dragonfly Fund.
3- Akira Ozono, Itsura Kawashima, Ryo Futahashi, 2012 – Dragonflies of Japan – Bun-ichi Sogo Shuppan Co.
4- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird publishing, 2015.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Retour en haut
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x