
Encore Onychargia atrocyana en tandem en tandem et pas de mâle !
C’est la troisième fois que je rencontre Onychochargia atrocyna ; la première fois au Cambodge pour une femelle, la seconde sur la Péninsule Malaise, une femelle et un tandem. Et comme on le voit, je n’ai vu que ces deux tandems en Thaïlande.
J’ai donc fini par me demander si j’étais malchanceux ou si quelque chose m’empêchait de voir les mâles ; car que ce soit pour les Platycnemididae ou les autres zygoptères, en général, on rencontre plus souvent les mâles que les femelles, qui sont discrètes et vivent souvent cachées pour éviter d’être harassées par les mâles.
Et en effet, on lit dans A.G. Orr (1) ou dans Ngiam et Ng, que les mâles se tiennent dans la végétation, généralement à plusieurs mètres du sol. Ils ne sont pas territoriaux (ils ne défendent pas leur territoire) et ne sont donc visibles que lors des actions de reproductions, accouplements et ponte, puisque celle-ci s’accomplit en compagnie du mâle (ponte endophytique où le mâle descend parfois partiellement sous l’eau, alors que la femelle peut s’immerger complètement).
Les mâles matures sont très sombres, avec des reflets bleu foncé ou violacés sur le thorax, et plus latéralement une ligne claire qui disparaît chez les sujets bien matures comme ici ; il semble tout de même difficile de confondre le mâle avec un autre odonate.
La femelle est par contre très proche de certaines femelles Coeliccia mais l’extrémité de son abdomen est sombre.
Le mâle mesure 30 à 32 mm.
Son abdomen est court, ce que différents auteurs remarquent ; en anglais, il prend le nom de Shorttail !

Je rédige cette page plus d’un an après ce voyage de prospection pour le mettre en lien avec les mâles (isolés) que j’ai enfin observés au Sarawak, à Bornéo. Je ne me souviens plus précisément du biotope de la première photo, mais très bien de celui de la seconde : nous sommes juste avant le petit barrage (en haut à gauche de la photo) qui ralentit le remplissage des eaux d’un grand réservoir du campus de Chiang Mai. Une zone marécageuse s’est formée, en limite de forêt, avec une végétation pas très haute, mais très abondante, dans laquelle les couples (2) tentent de se dissimuler. Croyez-moi, il fait très chaud, mais de très nombreuses espèces d’odonates apprécient le terrain. Elles sont peut-être communes pour les locaux, mais nous avons énormément apprécié cet endroit pour sa richesse et sa diversité même si la configuration des lieux rendait l’approche difficile.
Sa distribution s’étend du centre de l’Inde au sud la Chine (Yunnan) et sud, à travers la Péninsule Malaise et Singapour, jusqu’au Sarawak et Sabah et aux Philippines. J’ai finalement rencontré des mâles à Bornéo, au Sarawak.
IUCN Red List.

Étymologie
Onychochargia ; du grec onycho qui signifie ongle ou griffe, et de argia, un genre de zygoptère sud-américain (dont le nom avait été précédemment créé comme une variante de –agrion). En décrivant le sous-genre Onychochargia, Selys (3) insiste sur les onglets des tarses (griffes) : »les deux branches des onglets des tarses aussi longues l’une que l’autre » – « Les onglets des tarses très singuliers comme chez les libellules du genre Macromia ». De plus, il décrit ce genre à la suite des Argia, pensant qu’il appartient à un sous-genre de ces derniers (noter d’ailleurs la densité des épines des pattes (entre autres) qui rappellent effectivement le genre Argia).
Atrocyana, du latin atrum pour noir et du grec kuanos pour bleu sombre. Selys en décrivant un sujet très-adulte écrit : »En entier d’un noir acier violet sans tache ».
1- A Guide to the Dragonflies of Borneo, their identification and biology. A.G. Orr, Natural History Publication (Borneo) – 2003.
2- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022.
3- Selys, 1865 – Synopsis des Agrionines suite 1 – Bulletins de l’Académie royale, des lettres et des beaux-arts de Belgique – P. 416.