
Description – Identification
Erythromma lindenii, l’Agrion à longs cercoïdes, est un odonate très commun en France, car il accepte un grand nombre d’habitats. Sur le terrain, il est certainement plus communément identifié par la couleur de ses yeux bleu glacier que par la longueur de ses appendices anaux.
Le mâle bleu et noir est facilement identifiable : il mesure 30 à 36 mm (1) ou même 34 à 39 mm (2), ses yeux sont complètement bleus (non surmontés de noir), d’un bleu unique parmi nos odonates européens. Les taches postoculaires sont réduites à un trait, parfois absentes.
La bande antéhumérale bleue est large et ses bords sont parallèles.
Le dessin noir du S2 n’a pas d’intérêt tant les segments S3 à S6 sont spectaculairement ornés d’as de pique ou de hallebardes, les segments S7 et S8 sont noirs, S9 est bleu, S10 porte une tache noire en forme de « x » même si cette forme est classiquement réservée à E. viridulum (qui a les yeux rouges).
– Les appendices anaux inférieurs, les paraproctes (ex-cercoïdes) sont plus longs que le 10° segment et concaves en dedans. Cette longueur avait encouragé Navas à créer pour lui le genre Cercion, abandonné de nos jours.
– les ptérostigmas en trapèze sont clairs.

Les femelles matures sont très différentes, uniques parmi les Coenagrionidae, et avec un peu d’habitude, immédiatement identifiables, car elles sont bicolores, jaunes et bleues, leurs taches postoculaires sont également réduites (rarement absentes), mais les parties inférieures des segments 3 à 7 sont bleues, comme les insertions alaires sur le ptérothorax.
De plus, elles présentent une structure unique sous la forme d’une tubérosité de part et d’autre de la partie la plus antérieure du mésothorax, juste en arrière du pronotum (prothorax) ; c’est un critère d’identification absolu qui permet d’identifier des femelles très jeunes.
Tous ces détails font qu’il est difficile de confondre cette espèce avec un autre Coenagrionidae en Europe. Coenagrion ornatum présente le même type de dessins abdominaux, mais ses yeux sont bleus capés de noirs, ses taches postoculaires sont larges et dentées postérieurement.
Habitat et distribution géographique
L’espèce s’accommode de toutes sortes de biotopes, en eau stagnante ou faiblement courante, essentiellement en plaine ou colline : elle choisit les zones ensoleillées des ruisseaux, rivières et canaux, et des mares aux étangs et lacs artificiels ou non, de préférence les parties ou la végétation aquatique submergée est abondante.
On rencontre l’Agrion de Vander Linden à peu près partout en France, il est moins commun dans les zones montagneuses et dans le nord et l’est, soit approximativement dans les régions de Normandie, Hauts-de-France et Grand Est.
C’est une espèce Atlanto-méditerranéenne (3), principalement distribuée en Europe de l’Ouest. Absent de Grande-Bretagne et de Scandinavie, il atteint la Hollande, le nord de l’Allemagne et l’extrême ouest de la Pologne. Au sud, il est présent au Maroc, en Algérie et Tunisie et atteint Israël et la Turquie à l’est. Largement présent en Italie et dans les iles méditerranéennes, on le trouve sur toute la côte Nord-Adriatique jusqu’en Grèce. Il est sporadique plus au nord de cette dernière zone.
L’espèce n’est pas menacée et son expansion vers le nord est confirmée depuis plusieurs années.
Atlas Dynamique des Odonates de France
IUCN Red List

Période de vol
En France, le pic de son activité s’étend la mi-juin à la fin juillet, mais on peut le rencontrer selon les régions de fin avril à fin septembre.
Comportement – Écologie
C’est un des rares Coenagrionidae qu’il est facile de photographier en vol tant il est adepte du vol stationnaire. On l’observe souvent volant rapidement à ras de l’eau, à distance des berges, ponctuant son chemin d’épisodes de surplace et il se pose sur les inflorescences ou les plantes émergées. Il fait partie du très petit nombre de zygoptères capables de voler par grand vent (4). Il ne revient sur les berges que pour s’accoupler dans la végétation. La ponte qui s’ensuit aussitôt se fait en couple, la femelle s’immergeant parfois complètement pour insérer ses œufs dans les végétaux. La phase larvaire dure entre 6 et 11 mois et dans le sud de son aire, l’espèce est bivoltine (5).
Étymologie
Erythromma, du grec erythros – rouge, et omma – oeil, ce nom reflète la particularité de 2 espèces du genre Erythromma (E. najas et viridulum), mais E. lindenii, quant à lui, n’a pas les yeux rouges.
Lindenii rend hommage au Docteur en médecine et entomologiste belge Pierre Léonard Vander Linden (1797-1831), professeur de zoologie qui a publié en 1825 une « Monographiae Libellulinarum Europaearum ».
Les anglo-saxons l’appellent tout simplement Blue-eye.
1- Guide des Libellules de France et d’Europe, K. -D.B. Dijksta & R. Lewington, Delachaux et Niestlé, 2007
2- Europe’s Dragonflies, A Field Guide to damselflies and dragonflies, Dave Smallshire & Andy Swash, British Dragonfly Society, 2020
3- Atlas of the European dragonflies and damselfies, Jean-Pierre Boudot & Vincent J. Kalkman, KNNV Publishing, 2015
4- Jacquemin & Boudot, 1999 – Les Libellules (Odonates) du Maroc – Société Française d’Odonatologie.
5- Daniel Grand et Jean Pierre Boudot, Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, collection Parthénope, 2006