Erythromma najas (1) est un Coenagrionidae aux yeux rouges, de taille moyenne (30 à 36 mm), assez commun sur les mares ensoleillées, souvent posé sur les nénuphars.

Description – Identification
Les mâles : les yeux sont rouges, sans taches postoculaires, les bandes antéhumérales sont absentes pour les sujets vraiment matures, bien visibles et courtes pour les jeunes, qui sont jaunes et noirs. Les pattes sont noires, les flancs du thorax sont bleu-ciel comme le premier segment (S1) ; un triangle distal sur le deuxième (S2) et les deux derniers segments (S9 et S10) sont également complètement bleus, les autres sont noirs et ont tendance à se couvrir d’une pulvérulence poussiéreuse blanchâtre pour les sujets âgés.
Les cerques (appendices anaux supérieurs) sont droits (et non concaves en dedans).
Avec ses yeux rouges et son aspect globalement sombre, on ne peut hésiter qu’avec Erythromma viridulum, plus petit et qui arrive plus tard en saison. Ils sont faciles à séparer, car ce dernier montre une coloration bleue sur toute la face latérale du S2 et celle du S8, coloration qui remonte de telle sorte qu’elle est visible en vue dorsale. Cette même vue permet de constater la présence d’un « x » noir sur la face dorsale du S10 (absent pour E. najas).

Les femelles sont jaunes ou vertes, et noires ; elles n’ont pas de taches postoculaires (sauf exception) leurs yeux sont marron/orangés, plus clairs en bas et en avant. Elles ont une bande antéhumérale jaune ou verte, parfois courte, le plus souvent en point d’exclamation, très rarement complète. Leur pronotum est caractéristique, le bord postérieur est relevé et dessine un M. La face dorsale de l’abdomen est noire, ventrale jaune ou verte, mais il y a toujours une ligne, trait ou tache noire à la partie inférieure de la face latérale du S2. La face dorsale des tarses est noire.
On ne peut les confondre qu’avec les femelles Erythromma viridulum qui sont le plus souvent vertes, mais de temps en temps bleues, plus petites et plus tardives. Le pronotum de ces dernières est simplement légèrement arrondi sur son bord postérieur, les bandes antéhumérales sont complètes, la face dorsale des tarses est parcourue d’une bande claire, la partie inférieure de la face latérale du S2 ne montre pas de motif ou trait noir.

Habitat et distribution géographique
Il apprécie les eaux calmes, stagnantes ou légèrement courantes. Dans ma région, je le trouve fréquemment posé sur un nénuphar, sur la partie calme d’une petite rivière, dans les portions bien ensoleillées. Ou sur des étangs également fournis en potamots ou en nénuphars, où parfois E. najas et viridulum se côtoient.
En France, l’espèce est assez commune, sauf sans le sud-ouest dans lequel elle est absente, elle est peu commune à rare dans le sud-est, manquante en Normandie et dans la pointe bretonne.
Atlas Dynamique des Odonates de France
Espèce des zones tempérées, absente d’Espagne et du sud et du centre de l’Italie, sa distribution mondiale s’étend du sud de l’Angleterre, du sud et de l’est de la Scandinavie jusqu’à la Mongolie et le Japon.
IUCN Red List
Période de vol
Son pic d’activité en France se situe en juin et juillet, mais il peut être contacté dans le sud à partir de la toute fin d’avril et ne disparaître totalement qu’en fin septembre.
Comportement – Écologie
Fréquemment posés sur les renouées, les nénuphars ou les potamots, ils combattent les concurrents de la même espèce qui s’aventurent vers leur espace, ou explorent assez brièvement leur territoire en volant au ras de l’eau, comme E. lindenii ou E. cyathigerum.
Je n’ai jamais assisté à la capture de la femelle par le mâle et je n’ai pas souvent observé d’accouplements, qui sont sans doute assez courts. Mais la ponte s’ensuit presque aussitôt, en couple, le mâle restant le plus souvent hors de l’eau alors que la femelle s’enfonce plus ou moins pour insérer ses œufs dans les végétaux immergés sur lesquels ils se sont posés ; A. Robert (X) décrit des cas de pontes immergées ou la femelle reste 10 à 40 minutes sous l’eau.
Contrairement aux autres Coenagrionidae qui pondent sous l’eau, ils se laissent remonter à la surface en flottant passivement, et non pas en marchant le long de la tige d’une plante vers la surface (Askew, 2004). Les œufs ressemblent à de minuscules grains de riz de 0.9 x 0.17 à 0.2 mm L’éclosion survient 4 à 6 semaines après, la phase larvaire dure 8 mois à 2 ans et comporte 14 stades, les émergences se produisent à ras de l’eau ou à peine au-dessus, à la fin du printemps suivant ou plus au nord, décalées d’encore une saison (semivoltines).

Étymologie
Eythromma (Charpentier, 1840) (2) ; du grec erythros – rouge, et omma – œil.
Najas (Hansemann, 1823) ; du latin naias qui signifie naïade, nymphe aquatique qui vit dans les eaux douces, en particulier les rivières, les sources, les fontaines.
Paul-André Robert écrit à propos d’un couple qui remonte à la surface et s’envole, après une ponte immergée « comme un bouchon de liège » : « Il est plus que probable que Hansemann a cru voir dans cette sortie presque miraculeuse des eaux par un insecte si frêle, dans cette façon de se jouer des éléments, une réminiscence des légendes fabuleuses qui couraient sur le compte des déesses de la mythologie ».
1- Müller, C. F. A. (n.d.). Zoologisches Magazin (p. 158).
2- Charpentier, Toussaint von. (1840). Libellulinae europaeae descriptae ac depictae (p. 20). Leopold Voss.
Ouvrages consultés :
– Daniel Grand et Jean-Pierre Boudot, Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, collection Parthénope, 2006
– Guide des Libellules de France et d’Europe, K. -D.B. Dijksta & R. Lewington, Delachaux et Niestlé, 2007
– Paul André Robert, Les Libellules, Delachaux et Niestlé, 1958
– Atlas of the European dragonflies and damselfies, Jean-Pierre Boudot & Vincent J. Kalkman, KNNV Publishing, 2015
– Europe’s Dragonflies, A Field Guide to damselflies and dragonflies, Dave Smallshire & Andy Swash, British Dragonfly Society, 2020
– R. R. Askew, 2004 – The Dragonflies of Europa – Harley Books