Leucorrhinia pectoralis (1), la Leucorrhine à gros thorax, est un petit Libellulidae de 35 mm, rare en France, figurant sur la liste rouge nationale comme quasi menacée.

Description – Identification
Les mâles : comme toutes les Leucorrhines leur face est blanche, les yeux rouges ou marron, le thorax est sombre et porte des marques jaunes puis rouges qui s’atténuent avec l’âge, l’abdomen est sombre avec des marques jaunes qui s’assombrissent en maturant, mais celles sur le S7 reste toujours jaune citron et tranche sur l’abdomen ternissant. Les ptérostigmas sont noirs, mais comme pour tous les Leucorrhinia européens, les veines qui le suivent sont blanchies, les veines costales sont claires sur une vue antérieure.
On ne peut le confondre qu’avec une autre Leucorrhine, mais L. rubicunda, rarissime en France (sauf l’extrême nord), montre des ptérostigmas rouges, L. dubia beaucoup plus commune (!) présente un abdomen plus fin et la marque sur S7 est plus sombre et orangée.
Les femelles se distinguent des mâles par leur abdomen massif dont les taches jaunes restent bien visibles lors de la maturation, surtout celle du S7.
En France, on peut la confondre avec L. rubicunda, il faut alors examiner les lames vulvaires, mais cette dernière n’est présente que dans l’extrême nord du pays.

Habitat et distribution géographique
La présence de poissons limite la présence de Leucorrhinia pectoralis, sauf si des herbiers suffisamment denses sont à disposition. On la trouve plus facilement sur les eaux stagnantes, la bordure des marais, les rives des lacs, les étangs forestiers, les mares, mais également sur les bras morts et les rivières à courant lent. Elle apprécierait aussi les eaux qui se réchauffent rapidement, comme les petites mares ; c’est précisément sur ce type de biotope que je l’ai observé.
Elle est peu commune en France, mais peut être abondante localement et sa distribution est éparpillée ;la région bordelaise, le Centre Val de Loire, le Jura et les Vosges et le nord ; pour avoir une idée exacte de sa présence, il faut consulter L’Atlas Dynamique des Odonates de France.
Sur le plan mondial, sa distribution est centrée sur la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne et le sud de la Scandinavie et même si elle atteint le sud-ouest de la Sibérie, les populations sont extrêmement isolées plus on avance vers l’est.
IUCN Red List (2013 !)
Les populations sont menacées par l’eutrophisation des milieux et si ce risque n’est pas présent dans la Réserve Naturelle du Pinail où je l’ai observé plusieurs fois, il faut veiller à conserver les milieux ouverts qui lui conviennent.
Période de vol
De fin avril à fin août, mais essentiellement en fin mai et juin.
Comportement – Écologie
On trouve les mâles Leucorrhinia pectoralis perchés sur la végétation au-dessus de l’eau, ils peuvent partir en exploration quelques minutes, mais sont fidèles à leur perchoir. Les femelles sont très discrètes et se rencontrent plus facilement à distance de l’eau. L’espèce est sensible à la météo et se réfugie dans les bois si le temps se gâte.
L’accouplement se produit en vol, au-dessus de l’eau, pour se terminer posé et durerait 15 à 25 minutes. En principe, le mâle accompagne la femelle à la ponte : elle frappe l’extrémité de son abdomen dans l’eau pour larguer ses œufs. Le mâle reste en vol stationnaire à proximité, mais s’il part chasser d’autres mâles, il ne revient plus… et la femelle est alors souvent saisie par un autre prétendant. Quand les femelles viennent pondre seules, elles cherchent des endroits abrités où les mâles ont moins de chance de les voir. On a observé des pontes à la tombée de la nuit, spécialement par temps couvert (2).
Les œufs éclosent six semaines plus tard, la phase larvaire dure deux ou trois ans.
On retrouve ces mêmes comportements pour L. dubia et L. rubicunda.

Étymologie
Leucorrhinia (Brittinger 1850), de leukos pour blanc et de rhinios qui signifie nez, évidemment en rapport avec la face et le front blanchâtre des sujets de ce genre.
Pectoralis, terme latin signifiant « relatif à la poitrine, au thorax » car Charpentier croyait indûment que le thorax de cette espèce montrait des caractéristiques qui permettaient de la différencier des autres Leucorrhines. Bien sûr, son nom français est issu de cette erreur d’appréciation, Leucorrhine à gros thorax.
1- Charpentier, Toussaint von. (1840). Libellulinae europaeae descriptae ac depictae (p. 85). Leopold Voss.
2- Bostjan Kiauta, 1964 – Notes on some field observations on the behaviour of Leucorrhinia pectoralis Charp. (Odonata: Libellulidae) – ENTOMOLOGISCHE BERICHTEN, DEEL 24, 1.V.1964
Documents consultés :
– Daniel Grand et Jean-Pierre Boudot, Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, collection Parthénope, 2006
– Guide des Libellules de France et d’Europe, K. -D.B. Dijkstra & R. Lewington, Delachaux et Niestlé, 2007
– Paul André Robert, Les Libellules, Delachaux et Niestlé, 1958
– Atlas of the European dragonflies and damselfies, Jean-Pierre Boudot & Vincent J. Kalkman, KNNV Publishing, 2015
– Europe’s Dragonflies, A Field Guide to damselflies and dragonflies, Dave Smallshire & Andy Swash, British Dragonfly Society, 2020
– R. R. Askew, 2004 – The Dragonflies of Europa – Harley Books