Aeshna isoceles – Isoaeschna isoceles (Müller, 1767)

Une publication d’août 2023 a confirmé que Aeshna isoceles devrait être appelé Isoaeshna isoceles ; en effet, dans « Molecular Phylogeny of Holarctic Aeshnidae with a Focus on the West Palaearctic and Some Remarks on Its Genera Worldwide (Aeshnidae, Odonata) » (1), on lit que cette espèce est seule dans son clade et qu’il s’ensuit la création d’un nouveau genre pour cette seule espèce.

Description – Identification
Aeshna isoceles mâle, Marais du Logit (F-33), 25/07/2013

Aeshna / Isoeshna isoceles mâle est un magnifique Aeshnidae aux yeux verts, portant une petite barre noire sur le front, au thorax caramel barré de deux bandes jaunes, et à l’abdomen de la même couleur, dépourvu des classiques taches latérales colorées des autres Aeshna. Le segment deux porte un triangle jaune à pointe postérieure. La base des ailes postérieure est légèrement ambrée.
Les cerques portent une dent basale visible ci-contre.
Il mesure 62 à 65 mm.
On ne peut le confondre qu’avec A. grandis, plus sombre, et qui porte des points jaunes ou bleus au long de l’abdomen.

Ci-contre, un mâle dans le marais du Logis (F-33), 25/07/2013

Les femelles Aeshna ou Isoaeschna isoceles présentent le même habitus, mais sont sont plus ternes, montrent des bandes jaunes plus légères sur la face latérale du thorax, l’abdomen est plus large.
Elles ont peu ou pas de tache alaire basale, mais sont parfois ornées d’une ligne ambrée au niveau de la sous-costale de l’aile antérieure, entre le nodus et le ptérostigma.
Comme pour les mâles, les pattes sont ocres dans leur partie supérieure, noire plus bas.
On pourrait également la confondre avec A. grandis, mais les ailes de cette dernière sont très ambrées et comme les mâles de l’espèce, elle porte des ponctuations colorées au long de l’abdomen.

À droite, une femelle dans la réserve du Pinail (F-86), 02/06/2013.

Aeshna isoceles femelle, Réserve du Pinail (F-86), 02/06/2013
Habitat et distribution géographique

Aeshna isoceles se rencontre préférentiellement en plaine, presque exclusivement sur les eaux stagnantes bien ensoleillées, plus ou moins riches en sédiments : mares, marais, étangs, lacs, tourbières et gravières. Il aime les roselières (Phragmites australis) autour des eaux libres, car ses larves vivent dans leurs racines ou dans celles des Carex ssp, Typha ssp., ou Stratiotes aloes dans le nord.

En France, sa répartition est très inégale, de la côte atlantique en remontant vers les régions Centre Val de Loire et Ile-de-France, il est surtout présent dans l’est, en particulier dans la région Grand-Est, l’est de Rhône-Alpes et la Côte d’Azur.
Atlas dynamique des Odonates de France
Dans le reste du monde, il est distribué essentiellement en Europe, discret en Espagne et au Portugal, il atteint l’est de l’Angleterre et l’extrême sud de la Suède. Il devient plus commun dans le centre de l’Europe pour se raréfier à l’est ou il atteint le sud de l’Oural. Il est mentionné au Maroc et très rare sur les rives nord de la Méditerranée.
IUCN Red List

Période de vol

On l’observe en France de début mai à septembre avec un pic en juin.

Comportement -Écologie

C’est un Aeshnidae qui se pose plus souvent que les autres, mais en raison de sa rareté, il est finalement moins observé perché que les autres… Pour donner une idée de sa population, le site Inaturalist ne rapporte que 20 observations en 2023, 47 pour Aeshna affinis et 249 pour Anax imperator.
Les mâles patrouillent en limite de rive, agressifs avec toutes les autres espèces.
Après l’accouplement, les femelles pondent seules dans les végétaux aquatiques ou les débris végétaux flottants.
C’est la seule de nos Aeschne dont les œufs éclosent l’année de la ponte, en 6 à 8 semaines, la phase larvaire dure un à deux ans.

Étymologie

Isoaeschna et formé de iso, préfixe grec signifiant « égal » et de Aeshna, nom du genre longtemps utilisé pour cette espèce. Aeshna est un cas particulier dans l’étymologie des noms d’odonates. Il est ici écrit dans sa version originale, et on a en effet, en Europe, l’habitude de l’écrire sans « c », la version de Fabricius (1775) qui a créé le nom de genre Aeshna.
On suppose, car il ne l’a pas précisé, que Fabricius a formé ce nom depuis un mot grec signifiant défigurer ou ternir (pourquoi, c’est une énigme) ; mais Fabricius est un latiniste puriste et on ne peut expliquer cette absence de « c  » que par une erreur de transcription ou une erreur typographique.
L’absence de ce « c » n’est restée la norme que pour le genre Aeshna dans le langage scientifique et tous les autres noms de genre « composés » l’ont intégré, comme Austroaeschna en Australie ou Heliaeschna en Asie.
Et il faut bien noter que ce « c » est réapparu dans le nom de genre français, il ne faut pas l’oublier : Aeschne bleue ou Aeschne des joncs… Il disparaît donc dans cette nouvelle version du nom de genre.
Isoceles, du latin isosceles, qui signifie ayant deux jambes égales, se réfère au triangle… isocèle jaune porté par le 2° segment. Décidément cette espèce n’a pas de chance avec l’orthographe, car Müller, dont la description est bien sûr en latin, omet le « s » avant le « c ».
À ce propos, si vous désirez aller plus loin dans cette enquête, je vous invite à consulter le Blog extrêmement détaillé de Jean-Yves Cordier, sur la Zoonymie des Odonates.

Il y a bien longtemps que Aeshna iscoceles posait un problème et déjà Friedrich Ris avait tenté, il y a près de 100 ans, de la placer dans genre Anaciaeshna avec lequel il partage une crête transversale sur le ventre de S2. Mais ce n’est pas la seule singularité qui le séparait des autres Aeshna : l’angle anal (partie postéro-interne) de l’aile postérieure est arrondie, absence de marque noire sur le front, les yeux verts sans traces de bleu, une tache alaire basale ambrée, l’absence de points colorés au long de l’abdomen, et un détail de nervation où les nervures antérieures et postérieures du triangle anal sont fusionnées sans prolongation ultérieure.
L’étude mentionnée ne prouve pas d’affinités avec le genre Anaciaeshna ou avec la proposition plus récente de l’intégrer au genre Andaeschna.

1- Schneider, T.; Vierstraete, A.; Kosterin, O.E.; Ikemeyer, D.; Hu, F.-S.; Snegovaya, N.; Dumont, H.J. Molecular Phylogeny of Holarctic Aeshnidae with a Focus on the West Palaearctic and Some Remarks on Its GeneraWorldwide (Aeshnidae, Odonata). Diversity 2023, 15, 950.
https://doi.org/10.3390/d15090950

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