Brachythemis impartita (Libellulidae) semble très commun, omniprésent au bord des lacs, mais son identification nécessite de la rigueur, car son cousin Brachythemis leucosticta est aussi présent en Éthiopie (limite nord de sa répartition) et ils sont indiscernables à première vue; ils sont d’ailleurs restés confondus pendant 170 ans !
K.D. Dijkstra et N. Matushkina ont apporté la solution dans Kindred spirits : “Brachythemis leucosticta”, Africa’s most familiar dragonfly, consists of two species (Odonata: Libellulidae), dans International Journal of Odonatology, Volume 12 (2) 2009.
La différence la plus simple à mettre en œuvre sur le terrain et sur photo se situe au niveau du ptérostigma et de la nervation. Pour B. impartita la partie proximale des veines qui bordent en avant et en arrière le ptérostigma (veine costale et sub costale), les veines sous ce ptérostigma sont claires. Malheureusement le comportement de l’espèce ne facilite pas les choses, car elle volette à ras du sol sur lequel elle se pose quasi invariablement et la coloration du sol influe sur notre perception de la couleur de ces veines.
Ils ont relevé d’autres différences, bien sûr sur les appendices anaux et le lobe génital, mais aussi le nombre de cellules dans le champ discoïdal plus élevé pour B. impartita, qui ne dépasse jamais 86 pour B. leucosticta (sur un échantillon de 1154 mâles…). Ci-dessous, sur ce B. impartita émergent, il dépasse la centaine. On note également sur ce sujet qui vient de faire son vol inaugural que le critère de ptérostigma et de nervation est déjà présent, sur l’aile antérieure (l’aile postérieure ayant certainement eu un « problème » lors de l’émergence).
On note aussi les bandes caractéristiques des yeux de tous les Brachythemis, même ceux du rouge B. lacustris en Afrique ou de l’orange B. contaminata en Asie.
A gauche un mâle encore jeune, à droite très largement mature, lac Chamo, 23/10/2018
Ci-dessus à gauche un jeune mâle, mais il faut noter que le mâle nettement plus âgé à droite ne montre pas un abdomen (ou thorax comme ci-dessous) vraiment noir (plutôt brunâtre) comme les B. leucosticta, on peut comparer ici avec des sujets sud-africains, contrée où il n’y a pas ce genre de problème d’identification.
Pour les femelles, la situation est beaucoup plus complexe quand les 2 espèces sont présentes, car selon les mêmes auteurs il n’y a pas actuellement de possibilité de les identifier… On peut tout de même avoir de très fortes indications pour une femelle quand dans un environnement sableux on n’a rencontré à côté d’elle que des mâles B. impartita. En effet, les larves de B. impartita préféreraient les substrats sableux, celles de B. leucosticta les substrats ou domine la boue ou la vase.
Mais K. D. Dijkstra m’a confirmé que même les femelles qui montrent le même type de ptérostigma, c’est-à-dire avec la partie proximale des marges claires ne peuvent être sérieusement identifiées, que donc ce critère n’est pas valide pour les femelles.
Je montre donc quelques femelles, avec ces réserves. Sur le site du lac Chamo, je n’ai vu que des mâles Brachythemis impartita ainsi je suis bien confiant pour l’identification de la jeune femelle de gauche ci-dessous.
B. impartita femelle, Arba Minch, 22/10/2018
J’ai moins de certitude pour celle de droite sur un site ou je n’ai pas de photo de mâle. Mais la partie proximale des ptérostigmas est bien bordée de clair…
Enfin, le premier novembre 2018, j’ai prospecté de bon matin un tout petit secteur de la rive sableuse du lac Langano et j’ai dû attendre 6 heures 50 avant d’apercevoir les premiers Brachythemis. Quelques minutes plus tard, j’ai trouvé les premières émergences dans les herbes. Le sujet ci-dessous montre une aile un peu abîmée, mais il a décollé devant moi pour se poser là où on le voit ici.
Brachythemis impartita mâles émergents, lac Langano, 01/11/2018
Il mesure environ 30 mm, un peu plus petit que B. leucosticta qui atteint environ 34 mm. La limite nord de sa répartition atteint l’Espagne, la Sicile et la Sardaigne, elle est plus incertaine au sud ou B. leucosticta et impartita cohabitent et où les données anciennes ne sont pas valides puisqu’on ignorait que 2 espèces étaient présentes. Grossièrement, cette limite sud se situerait sur la ligne Gabon – Tanzanie.
Cet article fait partie des odonates observés en Éthiopie, pour revenir à la page des Odonates d’Éthiopie cliquer ici.