Namibie – (Hemi)anax ephippiger (Burmeister, 1839)

Hemianax ephippiger mâle, Namibie, Rundu près de l’Okavango, 11/02/2020

C’est ma première rencontre certaine avec Hemianax ephippiger ; je dis certaine parce qu’il n’est pas impossible que je l’aie aperçu sur la côte atlantique il y a quelques années, mais sa ressemblance en vol avec A. parthenope fait que je n’ai jamais pu avoir de certitude absolue.
A. parthenope n’est pas présent en Namibie et le risque de confusion est quasi nul avec une autre espèce ; Anax ephippiger est assez terne, couleur sable, sa selle bleue sur la partie supérieure du 2° segment est beaucoup moins étendue, latéralement et vers S3, que celle de A. parthenope. Son nom vernaculaire, Anax porte-selle, souligne cette singularité. Il a les yeux bruns ou brun verdâtre alors que ceux de A. parthenope sont verts. Ses appendices anaux sont pointus alors que ceux des autres Anax sont plus arrondis.
Enfin, un détail de la nervation le différencie des autres Anax ; il présente 2 colonnes de 3 cellules entre la nervure Cubitale et la nervure Anale (Cu p et A 1) qu’on voit bien en cliquant sur la photo ci-dessus (aile postérieure gauche). C’est d’ailleurs un des caractères qui a entraîné sa séparation d’avec les Anax, mais le débat ne semble pas encore définitivement tranché (voir en bas de page).

Hemianax ephippiger mâle, Namibie, Rundu près de l’Okavango, 10/02/2020

On note également les paires de taches jaune clair, bien visible sur les trois derniers segments. Son habitude de se pendre aux herbes, branches ou rameaux fait que je n’ai jamais pu le voir correctement exposé, sans ombre portée. Sauf bien sûr en vol, ce qu’il semble faire inlassablement dans la journée… mais là, il est carrément à contre-jour !

Anax ephippiger mâle, Namibie, Rundu près de l'Okavango, 10/02/2020
Hemianax ephippiger mâle, Namibie, Rundu près de l’Okavango, 10/02/2020

Cette faculté de rester en vol permet de comprendre son caractère migrateur (Vagrant emperor en anglais) qui fait que son aire de distribution est très importante, facilité par le fait qu’il accepte en milieux ouverts toutes sortes d’eaux stagnantes peu profondes et en particulier les mares temporaires, la larve n’étant pas gênée par les milieux légèrement saumâtres. Son développement est très rapide en zone tropicale, 70 à 120 jours, et l’imago très jeune déclenche aussitôt sa migration.
Ainsi, on le voit arriver en France par vagues migratoires de taille très différentes, quelques individus ou des dizaines, comme en 2011 ou 2019. Il a atteint les Pays-bas, l’Islande, le Caucase et on le voit tous les ans ici où là en France, poussé par les vents chauds du sud.
Sa reproduction est certaine en France, en particulier en Camargue, montrée par la récolte d’exuvies, mais ce que deviennent ces sujets est incertains, il est vraisemblable qu’ils repartent vers le sud, même si ceci n’a jamais été formellement démontré.

Hemianax ephippiger mâle, Namibie, mare près Rundu, 11/02/2020
Hemianax ephippiger mâle, Namibie, mare près Rundu, 11/02/2020

C’est un petit Anax d’environ 60 à 67 mm.
Ce serait un des rares odonates dont la durée de survie de l’imago est plus longue que sa vie larvaire puisque par recoupements, Dumont & Desmet, 1990, Dumont 1988, ont déduit qu’elle pouvait atteindre 26 à 30 semaines.
Son caractère migrateur obligatoire fait que son aire d’occurrence permet de le rencontrer depuis le sud de l’Afrique, jusqu’au nord de l’Europe et à l’Inde ! Elle a même été signalée en Guyane, dans les Caraïbes et au Japon !
IUCN Red List
Atlas dynamique des odonates de France

Heminax ephippiger mâle, Namibie, Rundu près de l'Okavango, 11/02/2020
Hemianax ephippiger mâle, Namibie, Rundu près de l’Okavango, 11/02/2020

Anax vient d’un mot grec signifiant chef militaire, seigneur ou roi tribal en rapport avec son tempérament dominant sur son territoire et sa taille. Hemi est là pour signaler sa différence d’avec le genre Anax.
Ephipphiger vient du latin ephippium pour couverture ou selle de cheval et du verbe gerere qui signifie porter, pour la coloration bleue « en selle » du 2° segment abdominal.

L’espèce pond habituellement en tandem dans des végétaux vivants ou morts. C’est l’occasion d’apercevoir la femelle, avec une « selle » beaucoup moins marquée et divisée par une ligne sombre qui parcourt tout l’abdomen, mais les taches jaunes latérales sur les derniers segments sont également présentes.

C’est un migrant et il voisine donc d’autres migrants, comme Sympetrum fonscolombii et surtout Pantala flavescens qu’il ne dédaigne pas de déguster à l’occasion…

Hemianax ephippiger mâle dévorant Pantala flavescens mâle, Namibie, Rundu sur l'Okavango,
Hemianax ephippiger mâle dévorant Pantala flavescens mâle, Namibie, Rundu sur l’Okavango, 10/02/2020

Pour bien d’autres renseignements et détails sur l’espèce, il est très intéressant de lire le numéro hors série de Martinia consacré à la migration de 2011.


Au mois d’août 2023 a été publié « Molecular Phylogeny of Holarctic Aeshnidae with a Focus on the West Palaearctic and Some remarks on Its Genera Worldwide (Aeshnidae, Odonata) » (1). On y lit, une fois encore, que « le clade représentant le genre Anax inclut Anax ephippiger et rend non nécessaire l’addition du genre Hemianax, ce qui est en ligne avec les études précédentes… ».
Le débat semble donc tranché et on devra prendre l’habitude de l’appeler Anax et non plus Hemianax.

1- Schneider, T.; Vierstraete,A.; Kosterin, O.E.; Ikemeyer, D.; Hu,F.-S.; Snegovaya, N.; Dumont, H.J. Molecular Phylogeny of Holarctic Aeshnidae with a Focus on the West Palaearctic and Some Remarks on Its GeneraWorldwide (Aeshnidae, Odonata). Diversity 2023, 15, 950.
https://doi.org/10.3390/d15090950

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