
Rhinagrion borneense, membre de la famille des Philosinidae (ex-Megapodagrionidae) est le quatrième du genre que je rencontre et à chaque fois, je les trouve extraordinaires, par leur coloration et leur forme singulière. Voir R. hainanense, et R. mima, R. macrocephalum.
Le genre compte 10 espèces, toutes en Asie du Sud-Est, Sundaland (ou Sondeland) et Philippines, 2 seulement à Bornéo, le second étant R. elopurae. Même si ce dernier est très proche (je ne l’ai jamais vu, mais voici une photo sur iNaturalist), il n’y a pas de risque de confusion, car la partie distale de son S7 est bleue ; elle est rouge, rouge très sombre ou presque noir, en fonction de l’âge, mais jamais bleue pour Rhinagrion borneense (rarement et au plus 2 petits points bleus sur la partie apicale du S7 (2)).

Mais comme on peut le constater, il est très proche de R. macrocephalum et Selys avait écrit de notre espèce (1) : « ♂ Excessivement voisine de la macrocephala de Malacca (Mont Ophir), qu’elle remplace à Bornéo.« . En effet, Selys avait classé ses espèces dans son genre féminin Amphilestes (parce que la nervation est proche des Lestes) et lorsque Calvert a créé le genre Rhinagrion en 1913, macrocephala est devenu macrocephalum.
Et si Calvert a cru bon de créer un nouveau genre, c’est que le genre Amphilestes était préoccupé (3) par un unique mammifère marsupial du Jurassique moyen, créé par Owen en 1859, qui avait donc la priorité.

Lieftinck,1956 (4) and Paulson,1981(5) ont remarqué que Rhinagrion borneense était capable d’aplatir les derniers segments bleus de son abdomen pour le rendre plus large. La quasi-totalité des zygoptères présente un abdomen cylindrique, ce n’est pas le cas de ce Philosinidae, dont les derniers segments sont triangulaires à la coupe, avec une carène dorsale.
Ils ne nous disent pas si cette curieuse fonction intervient dans une cour nuptiale, mais elle participe aux combats territoriaux, car les mâles volent en se faisant face, l’extrémité de l’abdomen relevé et élargi (R. Dow).
Je dois m’en remettre à Selys pour connaître sa taille ; l nous dit que son abdomen mesure 27-28 mm, ce qui donne à l’insecte une longueur totale d’un peu plus de 36 mm.

L’habitat typique de Rhinagrion borneense est en plaine, dans les ruisseaux et rivières de la forêt tropicale. Quatre des photos de cette page sont faites sur la Timuoh Rivier, exactement sur les bambous qui s’avancent au milieu de l’image. La troisième photo est faite sur un gros ruisseau assez rapide au cours encombré de rochers dans un milieu beaucoup plus sombre et fermé.
Il est endémique de Bornéo où il est assez commun puisqu’en 2019, une centaine de lieux d’observation étaient connus.

Étymologie
Rhinagrion (Calvert, 1913), du grec rhin– pour nez pour souligner la proéminence de la face entre la cavité buccale et la base des antennes (zone plus scientifiquement appelé épistome) et de agrion. Agrion a été créé par Fabricius (1775) pour désigner tous les Zygoptères et vient d’un mot grec signifiant sauvage, sans doute pour indiquer, d’après Fliedner (6), qu’on trouve ces insectes dans les champs et non dans un environnement domestique. Agrion rappelle l’appartenance du genre, au moment de sa création, à la famille des Megapodagrionidae (maintenant Philosinidae).
Borneense de Bornéo et du suffixe –ense utilisé pour indiquer la provenance. Selys (1) écrit que la « patrie » de cet insecte est l’ile de Bornéo à Labuan (Sabbah). Il semble vraisemblable, cependant, que Labuan soit plutôt le port depuis lequel a été expédié à Selys la collection de M. Van Lansberge (2).
1- Selys, 1886 – Révision du synopsis des Agrionines. Première partie comprenant les légions Pseudostigma – Podagrion – Platycnemis et Protoneura. Memoires couronnes Academie royale Belgique, 38, 1–233. P. 93.
2- Vincent J. Kalkmana, Reagan Joseph T. Villanueva, 2010 – A synopsis of the genus Rhinagrion with description of two new species from the Philippines (Odonata: Megapodagrionidae) – International Journal of Odonatology, Volume 14, Issue 1, Pages 11-31, 2011
3- Heinrich Fliedner, 2021 – The scientific names of Ris’ odonate taxa – Journal of the International Dragonfly Fund. P. 98 [Amphicnemis].
4- Lieftinck, M.A.,1956 – Revision of the genus Argiolestes Selys (Odonata) in New Guinea and the Moluccas, with notes
on the larval forms of the family Megapodagrionidae. Nova Guinea (N.S.), 7, 59–121
5- Paulson D., 2011 – Anatomical modifications for displaying bright coloration in megapodagrionid and chlorocyphid
dragonflies (Zygoptera). Odonatologica, 10, 301–310.
6- Fliedner, 2006. The scientific names of the Odonata in Burmeister’s « Handbuch der Entomologie ».