
Nous avons rencontré Amphicnemis wallacii (Coenagriondae) en deux occasions, mais toujours dans un environnement de tourbière.
Il existe 22 Amphicnemis en Asie, 10 étaient décrits à Bornéo en 2010, certains sont en cours de description et d’autres découvertes sont attendues. Sur le site dans lequel j’ai fait toutes les photos de cette page, nous étions accompagnés de Rory Dow, le meilleur spécialiste des odonates de cette ile : nous y avons rencontré trois espèces ; A. annae, wallacii et cf. dactylostyla (une espèce à décrire).
Malheureusement, je n’ai pas réussi à faire de bonnes photos, étant trop éloigné la première fois et pour la seconde occurrence l’ambiance était très sombre.
Son habitus est très proche de Amphicnemis annae qui était présent également dans cette tourbière forestière à Kuching ; il s’en distingue, entre autres, par la longueur de l’épine issue de la partie médiane du lobe postérieur de son pronotum, plus longue pour A. annae.

Son aile postérieure mesure 20 mm, son abdomen 33 mm, appendices inclus, sa longueur totale est d’environ 38 mm : 33 mm pour l’abdomen, 5 mm pour le thorax et la tête !

De plus, les ptérostigma, trapézoïdaux, sont particuliers, sombres, entourés d’une marge gris clair, détails soulignés par Selys (1) dans sa description et par Lieftinck (2) dans sa clé.
Lieftinck le sépare aussi de A. annae par la coloration de la face, que je n’ai pas eu l’occasion d’observer…
C’est un genre très difficile pour les amateurs et je dois dire qu’une fois devant l’écran de l’ordinateur, j’ai été complètement perdu pour trier les femelles si variables en fonction de leur âge. Noter que dans les publications antérieures à 2021, Rory Dow semblait penser l’espèce comme bien définie, mais qu’en 2021 (1) il la mentionne sous le terme « Amphicnemis wallacii Selys, 1863 complex »…
Finalement, il apparaît que les femelles présentent plusieurs stades, en ce qui concerne la coloration du thorax, mais ne sont jamais vert métallisé comme les mâles. Elles ont cependant en commun l’épine du pronotum de même longueur presque verticale et peu concave.
Le thorax est tout d’abord entièrement rouge, comme les pattes ; ci-dessous une très jeune femelle.

Puis la face dorsale du thorax noirci progressivement.
Noter l’aspect de l’épine en fonction de l’angle de prise de vue…

Puis les parties rouges du thorax deviennent vertes, les pattes plutôt blanches !

Avec toujours cette même épine caractéristique que l’on voit bien ci-dessous, comme une expansion du bord postérieur du lobe postérieur du pronotum. Curieusement, la partie supérieure du thorax n’apparaît plus vraiment sombre. Je suppose pourtant que l’ontogénie de cette espèce rejoint celle de A. annae pour laquelle on trouve des femelles vert pâle, mais avec le dos sombre ou noir…

L’espèce est endémique de Bornéo, présente au Kalimantan, à Brunei et au Sarawak.


Étymologie
Amphicnemis (Selys, 1863) : Amphi- du grec ἀμφί qui signifie des deux côtés et de cnemis qui signifie jambe ou tibia et a été utilisé pour créer de nombreux genres depuis les Platycnemis, genres qui n’ont plus rien de particulier pour la largeur de leur tibia, mais ont des points communs de nervation.
Robin Ngiam & Marcus Ng (3) proposent l’explication suivante concernant amphi : Selys a créé le genre Amphicnemis pour y placer A. wallacii qu’il trouvait ressemblant avec Amphilestes macrocephala (maintenant Rhinagrion macrocephalum). Cette espèce présente des points noirs des deux côtés du thorax. J’ai bien du mal à accepter cette version, ayant rencontré R. macrocephalum… mais je n’ai pas d’autre explication.
Wallacii ; Selys écrit : « Patrie : Sarawak, à Bornéo, par M. Wallace. (Collect. Selys.) « . C’est donc un hommage au collecteur de l’espèce, Alfred Russel Wallace (1823–1913), célèbre écologue et inventeur de la ligne éponyme.
1- Selys, 1863 – Synopsis des Agrionines, 4° Légion : Platycnemis – p. 153
2- Lieftinck, M.A., 1940 – Descriptions and records of South east Asiatic Odonata (II). Treubia 17: 3 37 390. P. 367 & 371
3- Dow, 2021 – AN ANNOTATED CHECKLIST OF THE ODONATA (INSECTA) KNOWN FROM SARAWAK WITH RECORDS TO DISTRICT LEVEL – Sarawak Museum Journal · January 2021 – P. 350.