J’avais déjà rencontré Agrionoptera insignis mâle en Malaisie en 2013, dans de mauvaises conditions, puis en 2022, mâles et femelles, dans le nord de l’Australie (Territoire du Nord, puis extrême nord du Queensland), la sous-espèce que l’on appelle allogenes. À l’époque, je ne savais pas ce qui distinguait cette sous-espèce des autres et je ne le sais toujours pas, d’autant qu’il existe de très nombreuses sous-espèces et que de nombreuses espèces et sous-espèces (treize, dont allogenes) ont été synonymisées avec Agrionoptera insignis.
Au Sarawak, je n’ai vu brièvement qu’un mâle…
Avec la quasi-totalité de son fin abdomen rouge, sauf le premier et les trois derniers segments noirs, on ne peut le confondre à Bornéo qu’avec Lathrecista asiatica (ici en Malaisie Péninsulaire) qui a les yeux gris-bleu, le thorax et le premier segment plus clair puis couverts de pulvérulence bleutée en vieillissant et surtout seulement les deux derniers segments noirs (toujours en Malaisie Péninsulaire).

Noter ci-dessus l’étroitesse de la base des ailes que Jules Rambur avait bien remarquée (1).
Ngiam et Ng (2) nous disent qu’à Singapour, il mesure 37 à 41 mm.
On trouve Agrionoptera insignis mâle près des ruisseaux ou rivières lentes, sur les mares forestières, ou en limite de forêt. Il se perche volontiers sur un support au-dessus de l’eau d’où il attaque ses congénères qui passent sur son territoire, dans des combats où les individus se font fassent dans une ronde spectaculaire.
On le rencontre du Myanmar au sud du Japon, en passant par Haïnan, jusqu’à la Nouvelle-Guinée et au nord et à l’est de l’Australie, à travers la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, Bornéo et Sumatra et toutes les iles australo-pacifiques.
Étymologie
L’étymologie de Agrionoptera présentée par Enderby & Fliedner (1) est un peu complexe ; Agrion (du grec agrios – vivant dans les champs, sauvage) est le nom utilisé par Fabricius pour désigner tous les zygoptères, tandis que dans la 2° partie du nom de genre, on reconnaît le mot grec ptera signifiant aile ou ailé (composant de nombreux mots de notre vocabulaire entomologique, comme aptère ou diptère). Lorsque Brauer a créé ce nom de genre en 1864, il a voulu insister sur la similarité des ailes avec celles… des zygoptères (ou Agrion pour Fabricius), citant le genre Euphaea ou les Calopterygidae.
Insignis, du latin insignis pour distinctif, remarquable (insigne) et Rambur écrit : « Cette espèce est très-remarquable par l’étroitesse de la base des ailes inférieures. ».
Noter que dans le langage vernaculaire anglais, il est appelé Grenadier (tout court), son cousin A. sexlineata Handsome Grenadier. Mais Lathrecista asiatica est nommé Scarlet Grenadier, tandis que Nesoxenia lineata est le Stripped Grenadier. Le terme Grenadier est donc utilisé pour des genres différents…
Je suppose que ce terme vient du régiment d’infanterie indienne (avant l’indépendance), The Grenadier, dont l’habit comportait une longue tunique rouge sur un pantalon bleu, car ces odonates portent tous, à un degré variable, du rouge et du bleu.
1- Rambur, Jules, 1842 – Histoire naturelle des insectes. Névroptères – Librairie Encyclopédique de Roret. pp. 534 [123]
2- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022
3- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird Publishing 2015