
Nesoxenia lineata fait partie d’un genre qui ne comporte que deux espèces, mais N. mysis n’est pas présent à Bornéo.
Il n’empêche que la confusion avec d’autres espèces est facile et j’ai eu du mal à les différencier. Il est en particulier très proche de Agrionoptera sexlineata.
Je ne savais d’ailleurs pas en écrivant ces lignes que Selys l’avait décrit sous le nom d’Agrionoptera lineata (1). Il a ensuite proposé en 1889 d’appeler les A. lineata, dont le triangle discoïdal n’est pas traversé par une veine (un exemplaire de Malacca (Malaisie)), du nom de A. malaccensis (2). Ce qui est étonnant est que dans un ouvrage sur les Odonates de Birmanie (3) en 1891, il rappelle qu’il a fait cette proposition en 1878, soit avant d’avoir décrit A. lineata… Je ne sais pas s’il s’agit d’une erreur de ma part, car trouver toutes les occurrences ou Selys a évoqué une espèce est difficilement exhaustif, ou d’une erreur de Selys qui aurait le droit de se perdre dans le volume considérable de ses publications.
Nesoxenia lineata et Agrionoptera sexlineata ont tous les deux un thorax rayé de lignes claires, l’espace interalaire et les premiers segments plus ou moins couverts de pruine, puis ils sont rouges, puis noirs sur le reste de l’abdomen. Mais Nesoxenia lineata montre la base des yeux gris-bleu (jaune pour A. sexlineata), ses lignes thoraciques jaunes sont fines et espacées (plus larges et serrées pour A. sexlineata), ses segments 6, 7 et 8 sont rouge vif (6 et 7 seulement pour le Handsome Grenadier).

Deux autres Libellulidae montrent un abdomen rouge et des lignes claires sur le thorax ; Lathrecista asiatica et Agrionoptera insignis. Mais tous les deux ont beaucoup plus de segments rouges.
Il mesure 34 à 37 mm.
Il aime les mares des zones marécageuses en forêt, bien à l’ombre, ce qui explique l’environnement sombre de mes photos.

Sa distribution est limitée au sud de la Malaisie Continentale et Singapour, Sumatra, Java, Bornéo, Sulawesi (Célèbes) et aux Philippines.
Ci-dessous une femelle que j’ai d’abord identifiée comme Agrionoptera insignis ; mais celle-ci est beaucoup plus jaune sur le thorax, sans ces lignes sombres bien définies. Merci à Budak de m’avoir corrigé. J’avais rencontré une très jeune femelle en Malaisie Continentale en 2013.

Le genre Nesoxenia a été créé par Kirby en 1889 pour Nesoxenia cingulata (4), devenu Nesoxenia mysis. Neso signifie ile en grec ancien, et xenia, toujours en grec, se rapporte à l’hospitalité, à l’accueil, ce qui en ferait un « habitant des iles » car le premier exemplaire de Nesoxenia mysis provenait des Iles Salomon. Ngiam et Ng (5) pensent que xenia vient de xenos signifiant étranger, ce qui me semble moins direct et moins sensé et voudrait signifier que Kirby décrit un « étranger venant des iles » ; mais tous les odonates de ces régions sont par définition étrangers et beaucoup proviennent d’iles.
Lineata, du latin lineatus, rayé, garni de lignes, se réfère aux lignes jaunes qui parcourent son thorax, particulièrement visibles sur la femelle et les jeunes mâles.
Le langage vernaculaire anglais souligne la ressemblance évoquée plus haut ; N. lineata est le Stripped Grenadier, A. sexlineata le Handsome Grenadier. Donc deux genres différents se retrouvent avec la même dénomination vernaculaire (on peut même ajouter Lathrecista asiatica qui reçoit le nom de Scarlet Grenadier).
Grenadier peut sembler surprenant et je suppose que ce nom leur vient de The Grenadiers, un régiment d’infanterie de l’armée indienne (avant l’indépendance) dont l’uniforme comportait une longue tunique rouge sur un pantalon bleu.
1- Selys, 1879 – Nouvelles observations sur les odonates de la région de Nouvelle-Guinée – Note sur les espèces connues du genre Agrionoptera du Dr Brauer – Annali Del Museo Civico Di Storia Naturale Genova, in volume 14, pages 287-324 – P. 300.
2- Selys,1889 – Odonates de Sumatra comprenant les espèces recueillies à Pulo Nias par M. le Dr. E. Modigliani. Annali del Museo civico di storia naturale di Genova, 27, 444–484. P. 461.
3- Selys,1891- Viaggio di Leonardo Fea in Birmania e regione vicine. XXXII. Odonates. Annali del Museo civico di storia naturale di Genova, 30, 433–518. P. 460.
4- Kirby, W. F. (1889). A revision of the subfamily Libellulinae, with descriptions of new genera and species. Transactions of the Zoological Society of London, 12, 249–348. P. 241.