C’est au cours de notre deuxième journée de prospection sur une rivière, puis dans la forêt tourbeuse (avec Rory Dow) du parc national Maludam que j’ai réussi à photographier ce jeune mâle Orchithemis xanthosoma. Et cela a été un moment très frustrant comme on peut s’en douter en constatant la piètre qualité des photos ; j’ai dû utiliser un (bon) boitier de secours sur lequel était monté un très mauvais zoom que je n’utilise en principe que pour de la photo de voyage, tellement bas de gamme que l’on ne peut pas parvenir à faire la mise au point manuelle correcte. J’étais en effet tombé dans l’eau noire de la rivière la veille, ruinant mon matériel photo.
Noter l’importante saillie des organes génitaux secondaires sous le deuxième segment abdominal.
Il n’y a quasiment pas de photos de mâle de cette espèce sur le Web, on ne trouve, sauf celle-ci, que des photos de femelles. Les mâles matures sont sombres, comme semblent le devenir également les vieilles femelles. Laidlaw (1) a eu en main un mâle dans un stade intermédiaire, le thorax noir velouté dégradé en jaune doré vers l’avant, un autre complétement sombre.
Leurs ailes sont très fines, le champ discoïdal des ailes ne comporte qu’une seule rangée de cellules aux ailes antérieures (1), ce que je parviens à valider sur mes pauvres photos de ce mâle (ce qui le distingue des deux autres membres du genre, O. pruinans et pulcherrima (2)).
Laidlaw (1) nous dit que son abdomen, sans les appendices anaux, ne mesure que 18 mm, il doit atteindre 28 à 29 mm de longueur totale.
Heureusement, la veille, mon appareil photo était en grande forme et j’avais réussi à faire de meilleures photos d’une femelle. On remarque que si le champ discoïdal de l’aile postérieure ne comporte qu’une seule cellule, environ jusqu’au nodus, celui de l’aile antérieure en comporte deux puis une, puis deux… Les critères de nervation valent ce qu’ils valent, ils sont souvent définis pour les mâles et ne s’appliquent pas forcément aux femelles.
Noter la courte expansion ventrale du S8, colorée en noir, comme les derniers segments.
Orchithemis xanthosoma est rare, rarement vu et photographié, sans doute parce qu’il faut aller le chercher dans un biotope bien particulier, les forêts marécageuses acides (3), en somme un type de tourbière, ou la progression est difficile.
L’espèce est endémique de Bornéo où on la rencontre au centre et à l’ouest du Kalimantan, à Brunei et au Sarawak.
IUCN Red List.
Noter la forme très caractéristique, en fuseau, de l’abdomen de la femelle ci-dessous (la même …).
Étymologie
Orchithemis (Brauer,1878 (2)), est formé du grec ancien orkhis qui signifie testicule et de Themis, qu’on peut considérer comme un suffixe déterminant l’appartenance aux Libellulidae. Car Themis est la déesse grecque de la justice et de l’ordre, qui a été utilisé de nombreuses fois depuis Hagen (1861) et qui est bien dans son rôle de surveiller les taxonomistes pour que l’ordre règne dans les classements qu’ils établissent. Comme je l’ai fait remarquer plus haut, les organes génitaux secondaires sous le S2 (là où le sperme est utilisé, mais pas là où il est produit, il n’y a donc pas de testicules strico sensu à cet endroit…) sont particulièrement développés. Et Laidlaw écrit : »Seen from the side, the hamulus of segment 2 projects more directly downwards from the abdomen than is the case in either of the other species of the genus. ».
Xanthosoma, du grec xanthos pour jaune et soma pour corps ; comme on le constate, le jaune est la couleur dominante des sujets jeunes et matures, ils deviennent sombres en prenant de l’âge.
1- Laidlaw, 1911 – A note on the Bornean Odonata, with description of a new species. The Sarawak Museum Journal. 1(1) : 191–193.
2- Brauer, 1878. Über einige neue Gattungen und Arten aus der Ordnung der Neuropteren. Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften Wien LXXVII, 1: 193-206.
3- Dow, R.A. & J. Unggang (2010). The Odonata of Binyo Penyilam, a unique tropical wetland area in Bintulu Division, Sarawak, Malaysia. Journal of Threatened Taxa 2(13): 1349-1358.