
Les Devattatidae de Bornéo, dont Devadatta podolestoides, sont très rares et difficiles à séparer ; leurs motifs thoraciques et abdominaux sont très proches et, comme presque toujours, varient en intensité avec l’âge de l’insecte. Depuis la révision du genre en 2015 par Dow, Hämäläinen et Stokvis (1) on sait qu’il existe (au moins !) six Devadatta à Bornéo.
Deux seulement seraient présents dans la zone que nous avons prospectée, Devadatta podolestoides et D. clavicauda.
Je dois cependant préciser que je ne parviens pas à classer dans un de ces deux genres quelques sujets que j’ai photographiés, pour 2 raisons :
– L’identification requiert des bonnes photos des appendices anaux, et ne peuvent être comparées qu’avec les dessins des vues dorsales strictes ou de profil strict des auteurs déjà cités ; malheureusement, les insectes ne sont pas toujours suffisamment patients pour que ce genre d’exercice soit possible, et la latéralisation des vues peut fausser les caractères que l’on cherche à mettre en évidence sur les appendices (toutes mes photos sont faites sans capture).
– Il faut compter avec la variabilité (relative) de la forme des appendices qui est bien plus élevée que ce qu’on pourrait penser.
Une autre hypothèse serait qu’il s’agit d’une espèce non décrite.

Le dessin ci-dessus montre les appendices anaux des deux espèces présentes, les détails qui permettent de les différencier sont soulignés par des flèches. Si le critère de largeur de l’extrémité des cerques (A) s’avère difficile, le renflement près de la base (c) pour Devadatta podolestoides semble plus facile à apprécier, comme les paraproctes extrêmement réduits (B) quasi invisibles.


Nous avons rencontré ces sujets au long d’une petite rivière, à fond sableux et rocheux, en forêt assez sombre. Il semble qu’il aime se placer au pied de petites cascades en terrain collinaire, c’est d’ailleurs dans ce type d’environnement que nous avions rencontré Devadatta clavicauda (2).


Son abdomen hors appendices anaux est très variable (1), de 32 à 40 mm, soit une taille totale d’environ 40 à 51 mm.
Il est endémique de Bornéo où sa distribution est limitée à l’ouest du Kalimantan et au sud-ouest du Sarawak. Il est encore moins commun que D. clavicauda.
IUCN Red List.
Sur le territoire de ces mâles, nous avons rencontré une femelle et supposé qu’elle appartenait à la même espèce. Pour en avoir la certitude, il faudrait avoir une vue dorsale de son pronotum, mais c’est le seul angle qu’elle m’a autorisé.

Étymologie
Devadatta ; en sanscrit ce terme signifie « dieu-donné » et on ne sait pas pourquoi Kirby en 1890 a utilisé le nom de ce moine, cousin de Bouddha, mais aussi son rival et ennemi acharné…
Podolestoides : de Podolestes, un genre de la famille des Argiolestidae et du suffixe oïde pour signaler la ressemblance de ce Devadatta avec les Podolestes (mais ceux-ci se posent les ailes ouvertes).
Podolestes, est lui-même formé du grec pous–podo qui signifie pied ou jambe, et de lestes. Lestes a été créé par Leach (1815) et vient du mot grec ληστησ qui signifie voleur ou pirate, très vraisemblablement en raison de la forme des appendices anaux de ce genre qui évoque le coutelas courbé et dentelé des pirates (5). Selys écrit : « Pieds longs, longuement ciliés, à onglets des tarses simples« . Selys fait donc certainement référence aux « pieds » particuliers de ce genre, que ce soit à propos de leur longueur ou de leurs tarses spécifiques et mentionnés en italique, ou des deux.
1- Dow, Hämäläinen, Stokvis, 2015 – Revision of the genus Devadatta Kirby, 1890 in Borneo based on molecular and morphological methods, with descriptions of four new species (Odonata: Zygoptera: Devadattidae) – Zootaxa 4033 (3): 301–349 -P. 333.
2- A Guide to the Dragonflies of Borneo, their identification and biology. A.G. Orr, Natural History Publication (Borneo) – 2003.

