
Tyriobapta torrida (1) fait partie d’un genre qui ne comprend que trois espèces, toutes présentes à Borneo. Elles sont très ressemblantes pour l’aspect général et les motifs thoraciques des jeunes sujets, mais sont facilement différenciées par l’étendue de la coloration alaire basale, celle de Tyriobapta torrida étant largement la plus importante, celle de T. laidlawi (non contacté) très limitée, alors qu’elle est totalement absente pour T. kuekenthali (photos disponibles plus tard).
C’est un petit Libellulidae que j’avais déjà rencontré en Malaisie Péninsulaire et on est tout de suite frappé par la longueur relative des ailes et de celle de l’insecte. Il mesure 29 à 32 mm alors qu’une seule de ses ailes postérieures atteint 25 à 26 mm (2).

Ces trois premières photos montrent certainement un jeune individu, pour sa coloration claire, tant celle du bleu ou du gris de son abdomen que de ses yeux. Ce sujet était dans un endroit assez magique, un paysage karstique en forêt dense et sombre, constitué d’énormes blocs rocheux parcourus d’un ruisseau très lent. L’accès pour le photographier n’était pas commode…

On le trouve en forêt, sur des rivières ou ruisseaux lents, dans les marécages ou les tourbières.
Sur les sites de reproduction, les mâles se perchent sur un rameau au-dessus de l’eau et affrontent leurs rivaux en fonçant vers eux en exhibant leurs taches basales alaires qui scintillent au soleil. Les femelles pondent en frappant l’eau de leur abdomen pour propulser leurs œufs accompagnés de gouttelettes d’eau vers la rive. Elles sont gardées par les mâles qui les survolent en traçant un circuit presque rectangulaire, avec un bref vol rectangulaire à chaque angle (2).
Ci-dessous un autre sujet nettement plus mature, sur le même site.

C’est une espèce limitée au Sundaland, c’est-à-dire le sud de la Thaïlande, la péninsule Indo-malaise, Bornéo, Sumatra et les iles avoisinantes.
Les anglophones lui donnent le nom de Treehugger en raison de sa façon de se poser, semblant embrasser les troncs d’arbres ; mais comme on le verra plus tard, T. kuekenthali adopte la même technique. La photo ci-dessous a été faite sur le même site que les précédentes, mais dans une partie plus ouverte, depuis un pont sur une petite rivière.

Étymologie
Tyriobapta (3) ; Kirby a créé ce nom de genre pour l’espèce torrida à partir de l’adjectif latin tyrius qui signifie relatif à la ville de Tyr (Phénicie), ville réputée pour sa poupre et du grec baptos qui signifie teindre, immerger. Ceci se référant bien sûr, par association, à la coloration alaire.
Torrida ; du latin torridus, qui signifie cuit, rôti, torride, et si Kirby ne donne pas d’indication supplémentaire, on lit dans Ngiam & Ng, 2022 (2) que cet adjectif pourrait se référer aux origines tropicales et équatoriales de cette espèce.

1- Kirby, 1889 – A revision of the subfamily Libellulinae, with descriptions of new genera and species, p. 338.
2- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022
3- Heinrich Fliedner, 2021 – The scientific names of Ris’ odonate taxa – Journal of the International Dragonfly Fund