

Coeliccia matok fait partie des Platycnemididae, un genre qui comprend actuellement 80 espèces distribuées de l’Inde au Japon et à l’Indonésie ; une vingtaine d’espèces ont été décrites depuis une dizaine d’années. Il appartient à ces odonates sensibles au pré-éclair de nos flashes ; les flashes émettent un infime pré-éclair pour que l’appareil photo puisse analyser la lumière réfléchie et adapter la quantité de lumière pour exposer la scène correctement. S’il n’est quasiment pas perceptible, il gêne certains zygoptères qui décollent brièvement, comme le montre les deux photos ci-dessus (ce comportement peut se répéter une ou dix fois avant que le sujet ne s’habitue ou ne s’enfuie).


C. matok est endémique de l’extrême ouest de Bornéo et nous l’avons rencontré dans une tourbière marécageuse en forêt que nous a fait découvrir Rory Dow (1), grand spécialiste des odonates d’Asie du Sud-Est et en particulier de Bornéo puisqu’il réside à Kuching (Sarawak). Cette tourbière très sombre où l’on s’enfonce parfois assez profondément… est étonnamment située sur le campus de l’Université de Kuching, et c’est là que R. Dow l’a identifié.
IUCN Red List


Rory Dow, qui nous offre une grande quantité de précieux documents (1) sur les odonates de Bornéo, précise qu’il avait été identifié comme C. octogesima par Laidlaw, 1918 (2). On le comprend facilement, quand on regarde ces photos de Malaisie Péninsulaire, mais il n’est pas présent à Bornéo.
Son abdomen, sans les appendices anaux, mesure 33 mm, l’insecte entier atteint donc environ 40 mm.
À Bornéo, 3 autres espèces sont cependant très proches et exhibent également ce motif thoracique de vieux combiné téléphonique.

Il s’agit de C. paludensis et C. macrostigma, que nous ne pouvions rencontrer, et de C. nigrohamata ; nous ne pouvions contacter les deux premières espèces, car C. macrostigma n’est présent qu’à Brunei et C. paludensis dans le sud du Kalimantan. Lorsque C. nigrohamata et C. matok sont présents, ils semblent s’exclure, C. matok restant confiné aux tourbières, alors que son cousin se trouve en zones plus ouvertes. Encore une fois, le genre Coeliccia est très difficile et seul l’examen minutieux des appendices anaux permet de confirmer l’identification de certaines espèces.
Mais heureusement, dans la tourbière forestière où nous prospections en compagnie de l’inventeur de l’espèce, C. nigrohamata n’a jamais été rencontré.


Les mâles sont très rares (nos photos sont les premières photos de terrain sur le Web), les femelles encore plus et nous n’en avons rencontré qu’une ! Elle se différencie des mâles par le motif thoracique brisé en son milieu :

Le meilleur moyen de s’assurer de leur identité étant, comme toujours, de les trouver en accouplement.
Noter le fond très sombre qui accompagne la plupart de ces photos et témoigne de l’éclairage ambiant dans cette tourbière.


Étymologie
Selys a décrit la première espèce du genre en 1863 sous le nom de genre préoccupé de Trichocnemis (coléoptère longicorne) et c’est Kirby qui a rectifié et créé le genre Coeliccia en 1890. Ce nom de genre, inexpliqué par l’auteur à ma connaissance, vient peut-être du latin coelum (ou caelum ), qui signifie ciel ou céleste, et d’un suffixe ou simple terminaison choisie pour l’esthétique ou la phonétique. En effet, la première espèce décrite par Selys, Trichocnemis membranipes, est bleu-ciel, pour toutes ses parties non noires.
Matok est expliqué par R. Dow : « Matok, a noun in apposition, named for Marijan Matok in gratitude for his continued financial
support of the International Dragonfly Fund. » – « Matok, un nom en apposition, nommé d’après Marijan Matok en remerciement pour son soutien financier continu au Fonds International des Libellules. ».
1- Rory A. Dow, 2016 – Revision of the genus Coeliccia Kirby in Borneo part II: Two new species from the membranipes-group, with a redescription of C. macrostigma Laidlaw (Odonata: Zygoptera: Platycnemididae) – November 2016- Zootaxa 4184(1):79
2- Laidlaw, 1918 – Some additions to the known dragonfly fauna of Borneo, with an account of new species of the genus Coeliccia. Proceedings of the Zoological Society of London 1918: 223–232.

