Bornéo – Amphicnemis annae (Lieftinck, 1940)

Amphicnemis annae mâle, Sarawak, Kuching, 25/03/2025
Amphicnemis annae mâle, Sarawak, Kuching, 25/03/2025

Amphicnemis annae est un (très) rare Coenagrionidae qui fait partie d’un genre comprenant actuellement 22 espèces dont 12 à Bornéo. C’est un genre difficile qui nécessite de très bonnes photos du pronotum et de son épine (si présente) ainsi que des appendices anaux très particuliers. Le mieux étant, comme pour nous, d’avoir comme guide le spécialiste des Odonates de Bornéo, Rory Dow.

Amphicnemis annae mâle, Sarawak, Kuching, 25/03/2025
Amphicnemis annae mâle, Sarawak, Kuching, 25/03/2025

La scène se déroule dans une tourbière en forêt, relativement sombre et surprenante par les trous d’eau qui peuvent se cacher sur le sol couvert de litière, entre les racines, les branches et les troncs se décomposant au sol…
En s’approchant suffisamment de cet odonate pas trop craintif, on parvient à bien voir l’épine qu’il porte, arrimée au lobe postérieur de son pronotum ; elle est très longue et de forme bien particulière, concave en avant, en « banane ».

Il faut donc vérifier à chaque fois la présence, la forme et la taille de l’épine.

Lieftinck nous dit qu’abdomen et appendices anaux mesurent 34 à 35 mm, il atteint donc une longueur totale de 39,5 mm pour une aile postérieure de 18.5-19 mm. La longueur de l’abdomen rapportée au thorax est vraiment spectaculaire.

On confirme bien sûr l’identification par les appendices anaux. Ma surprise a été de découvrir que sur ma photo, on ne voit pas les appendices anaux inférieurs (paraproctes) qui sont minuscules comme le montre le dessin de Lieftinck. On ne voit que les deux branches des cerques (appendices anaux supérieurs), dont la branche inférieure très développée pourrait passer pour les paraproctes !

Il est endémique de Bornéo, connu du Sarawak, de Brunei et du nord-ouest du Kalimantan.

Les femelles existent sous deux formes, avec ou sans épine sur la partie postérieure du lobe du pronotum. Si Lieftinck en décrit une identique à celle du mâle, Rory Dow écrit (2) : « females from most parts of Sarawak (identified by association with the male and in one case taken in tandem) lack a long horn… – les femelles de la majeure partie du Sarawak (identifiées en association avec le mâle et dans un cas prise en tandem) n’ont pas de longue épine… ». Immatures, elles ont le thorax et les pattes rouges, matures elles ressemblent aux mâles.
Ci-dessous deux femelles sans immatures épine.

À gauche pas d’épine, à droite une épine identique à celle du mâle.
Avec ou sans épine, la coloration de leur thorax est spectaculaire.

On voit beaucoup mieux cette épine sur la photo ci-dessous :

Amphicnemis annae femelle, Sarawak, Kuching, 25/03/2025
Amphicnemis annae femelle immature, Sarawak, Kuching, 25/03/2025 – 5

J’ai hésité avant de présenter cette femelle mature, mais je suis maintenant convaincu, en étudiant attentivement la forme du pronotum, qu’il s’agit de femelles matures sans épine. On retrouve par exemple, comme sur la photo 2 (sur le côté droit du prnotum) cette curieuse expansion latérale du lobe postérieur pronotum que Lieftinck décrit dans sa clé des femelles (1) : « Lateral divisions of prothoracic hind-lobe produced as a pair of long, acute-angulate, bluntly triangular, outwardly directed lamellae… – Divisions latérales du lobe postérieur prothoracique produisent une paire de lamelles longues, à angle aigu, triangulaires émoussées et dirigées vers l’extérieur… ». On ne voit que celle du côté droit, la perspective écrase la vue de celle du côté gauche.

Étymologie
Amphicnemis (Selys, 1863) : Amphi- du grec ἀμφί qui signifie des deux côtés et de cnemis qui signifie jambe ou tibia et a été utilisé pour créer de nombreux genres depuis les Platycnemis, genres qui n’ont plus rien de particulier pour la largeur de leur tibia, mais ont des points communs de nervation.
Robin Ngiam & Marcus Ng (3) proposent l’explication suivante concernant amphi : Selys a créé le genre Amphicnemis pour y placer A. wallacii qu’il trouvait ressemblant avec Amphilestes macrocephala (maintenant Rhinagrion macrocephalum). Cette espèce présente des points noirs des deux côtés du thorax. J’ai bien du mal à accepter cette version, ayant rencontré R. macrocephalum… mais je n’ai pas d’autre explication.
Annae est très certainement un hommage à une certaine Anne, peut-être une naturaliste qui a collecté des Odonates, mais en l’occurrence pas Amphicnemis annae, capturé par Louis Coomans de Ruiter, entomologiste, conchyliologiste, collectionneur botanique, collectionneur scientifique, botaniste et même fonctionnaire !

1- Lieftinck, M.A., 1940 – Descriptions and records of South east Asiatic Odonata (II). Treubia 17: 3 37 390. P. 370.
2- Dow, Rory A. & Graham T. Reels, 2013 – Previously unpublished Odonata records from Sarawak, Borneo. Part I. Kuching Division excluding Kubah National Park, and Samarahan Division – Journal of the International Dragonfly Fund, 1-25, Vol. 3 2013. P. 15.
3- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022

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