
Je pensais avoir déjà rencontré Neurothemis ramburii en 2013, en Malaisie, identifications confirmées par A.G. Orr (5), mais après avoir progressé dans l’identification de ces Libellulidae, notamment grâce à Seehausen & Dow, 2016, il s’agit d’une erreur et cette espèce ne serait pas présente sur la Péninsule (1).
À Bornéo, il n’y a que 3 Neurothemis et leur coloration alaire fait qu’il est impossible de les confondre avec un autre genre : Neurothemis ramburii, fluctuans et terminata. Sur photo, l’identification repose sur les marques noires abdominales, la forme de la zone hyaline des ailes et la nervation, en particulier du triangle de l’aile antérieure.
La description de l’espèce figure dans un ouvrage de Brauer, 1866 (2) sous le nom de Polyneura ramburii. En 1867, il créera le genre Neurothemis.

On note en effet que les marques abdominales latérales de ces sujets touchent la partie proximale de chaque segment ou sont décalées vers l’avant ; pour N. fluctuans, elles sont au milieu des segments ; pour N. terminata, elles touchent ou sont proches de l’apex des segments.


Malte Seehausen & Rory A. Dow, 2016 (1)
La coloration de l’aile antérieure parvient ici jusqu’au début du nodus et rejoint le bord postérieur de l’aile presque en ligne droite, alors que pour l’aile postérieure, elle dessine une courbe, très légèrement cassée en son milieu. Pour N. fluctuans cette courbe n’est pas cassée et se prolonge plus loin vers la base de l’aile ; pour N. terminata la coloration rejoint le bord postérieur en ligne droite.
Noter, toujours issu du même document, la très grande variabilité de l’étendue de la coloration qui a permis de définir plusieurs sous-espèces géographiquement localisées.

Noter également la variabilité de l’intensité des marques noires sur l’abdomen, d’un sujet à l’autre, sans doute en raison du vieillissement. La « cassure » de la courbe de la coloration de l’aile postérieure est bien visible sur les sujets ci-dessous.


Dans Dragonflies of Japan (3) on trouve le dessin ci-dessous qui est très intéressant pour les femelles, car les triangles des ailes antérieures sont très différents. Malheureusement, je n’ai pas vu et en tout cas pas photographié de femelle N. ramburii. Celles-ci présentent deux formes, l’une aux ailes colorées, l’autre aux ailes hyalines cependant tachées aux apex.
En ce qui concerne les mâles, Le triangle de N. fluctuans est très différent des deux autres qui sont assez proches. Il ne semble pas que l’analyse des triangles apportent des éléments pour séparer N. ramburii et N. terminata.

Il est certain qu’il faut rester prudent dans les identifications de Neurothemis et qu’il faut toujours additionner les critères, en particulier associer marques abdominales et coloration alaire. De plus, l’existence d’hybrides est envisagée, entre N. ramburii et terminata et entre ce dernier et N. fluctuans (1) …
Brauer lui donne une longueur totale de 41 mm, il varie sans doute de 37 à 41 mm. Il est plus petit que N. terminata (environ 43 mm) mais nettement plus grand que N. fluctuans qui toise autour de 30 mm.


On le trouve dans une grande diversité de biotopes : zones marécageuses en bord de forêt, mares, étangs, fossés, rizières ou canaux d’irrigation. Watanabe & al. (4) qui ont produit un document sur la larve de Neurothemis ramburii l’ont trouvé particulièrement abondant sur les fossés agricoles, surtout là où il y avait quelques centimètres de sable.
Ils décrivent que la copulation se fait en vol ou les sujets posés de façon intermittente, la ponte s’ensuit avec la femelle qui frappe l’eau de l’extrémité de son abdomen, gardée par le mâle.
Je suis tout de même surpris que la photo qui illustre cet article montre des caractères alaires qui me paraissent incompatibles avec ce que l’on lit dans Seehausen & Dow, 2016 (1).
D’ailleurs, si l’on suit les mêmes auteurs, la distribution de l’espèce n’atteint pas ces iles à l’est de Taïwan.
On le rencontre à Bornéo, Java, dans les Petites Iles de la Sonde, aux Moluques, dans les iles de la côte ouest de la Nouvelle-Guinée, aux Philippines, à Sumatra et au Sulawesi.
IUCN Red List.


Étymologie
Neurothemis (1), du grec neuro pour –nerf ou plutôt –nervure des ailes en entomologie, et de Themis – déesse grecque de l’ordre et de la justice, qui a été utilisé de nombreuses fois depuis Hagen (1861). Le nom de la déesse de l’ordre est particulièrement bien adapté à la taxonomie, science qui vise à décrire et ordonner les familles, genres et espèces. Brauer a créé ce nom de genre en 1867 pour remplacer le genre Polyneura, créé par Rambur en 1842, car ce dernier était déjà utilisé chez les Hémiptères. Ce nom de genre, comme le nom actuel, était destiné à insister sur le grand nombre de cellules de leurs ailes.
Ramburii est bien sûr un hommage à Jules Rambur, médecin et entomologiste, descripteur de nombreuses espèces d’Odonates et rédacteur de la fameuse Histoire Naturelle des Insectes (1842).
1- Malte Seehausen & Rory A. Dow, 2016 – Morphological studies and taxonomic considerations on the ‘reddishbrownwinged’ group of Neurothemis Brauer, 1867 with the description of N. taiwanensis sp. nov. (Odonata: Libellulidae) – Journal of the International Dragonfly Fund.
2- Brauer, F. 1866. Beschreibung neuer exotischer Libellen. Verhandlungen der Kaiserlich-Königlichen Zoologisch-Botanischen Gesellschaft Wien 16: 563-570. P. 568.
3- Akira Ozono, Itsura Kawashima, Ryo Futahashi, 2012 – Dragonflies of Japan – Bun-ichi Sogo Shuppan Co.
4- Ken’ichi Watanabe, Itsuro Kawashima & Akihiko Sasamoto, 2013 – Notes on the larva of Neurothemis ramburii ramburii (Kaup in Brauer, 1866) obtained from Iriomote-jima Island, Yaeyama Islands,southern Ryukyus, Japan (Anisoptera: Libellulidae) – TOMBO, Fukui, 55: 83-87. May. 15, 2013
5- A.G. Orr, 2005. Dragonflies of Peninsular Malaysia and Singapore- Natural History Publication (Bornéo) A.G.