
Amphicnemis cf. dactylostyla est un Coenagrionidae, non encore décrit, proche bien sûr de son cousin A. dactylostyla décrit par Lieftinck, 1953 (1). Il fait partie d’un genre très difficile qui compte, pour l’instant, 22 espèces en Asie et 12 à Bornéo.
Ils sont pour certains très ressemblants et ne peuvent être séparés que la présence d’une éventuelle épine sur le pronotum ou l’examen minutieux des appendices anaux.
L’identification a été assurée ici par Rory Dow, le spécialiste des odonates de cette grande ile, qui était sur le terrain avec nous et qui a utilisé ce nom.

Ici, l’identification est grandement facilitée par le fait que les ptérostigmas des ailes postérieures sont jaunes, ceux des antérieures restant orange ou marron clair.
Ils se caractérisent par la couleur vert métallique des parties supérieures du thorax et de l’abdomen alors que les parties inférieures sont jaunes, un dernier segment et des appendices très clairs, cet abdomen étant démesurément long par rapport au thorax.
En décrivant A. dactylostyla, Lieftinck écrit : « Cette nouvelle espèce est le troisième membre [avec A. platystyla et A. martini] d’un petit groupe d’Amphicnemis de Bornéo, caractérisé par une combinaison de traits morphologiques. Les plus marquants sont la forme carrée du ptérostigma, le lobe prothoracique postérieur non armé [sans épine] et la courte branche inférieure des appendices anales supérieures du mâle. » A. cf. dactylostyla est donc certainement une quatrième espèce de ce petit groupe.
Il se différencie cependant de ceux-ci par la coloration et forme des ptérostigmas et celle des appendices anaux supérieurs (les inférieurs sont rudimentaires, et à peine visible sur les photos).



En fait, il est classé par Dow (2), sous la rubrique Amphicnemis martini complex dans ce document de 2021, où il renvoie à un d’autre, dont Dow & Reels, 2010 (3) où il écrit à propos de cet Amphicnemis sp. : »Problematic Amphicnemis taxa that are the subject of ongoing investigation ». Cette enquête ou recherche n’a apparemment pas encore abouti, puisqu’en mars 2025, dans cette tourbière forestière, Rory Dow l’appelle toujours A. cf. dactylostyla.
Je ne connais pas sa taille, sans doute proche des autres Amphicnemis, moins de 40 mm.

Sa distribution n’est évidemment pas connue avec précision, il est certainement endémique de Bornéo, peut-être même du Sarawak.
Je suppose que cette femelle, trouvée parmi ces mâles, est de la même espèce ; les ptérostigmas sont nettement plus ternes, comme c’est souvent le cas pour les femelles de tous genres.

Étymologie
Amphicnemis (Selys, 1863) : Amphi- du grec ἀμφί qui signifie des deux côtés et de cnemis qui signifie jambe ou tibia et a été utilisé pour créer de nombreux genres depuis les Platycnemis, genres qui n’ont plus rien de particulier pour la largeur de leur tibia, mais ont des points communs de nervation.
Robin Ngiam & Marcus Ng (3) proposent l’explication suivante concernant amphi : Selys a créé le genre Amphicnemis pour y placer A. wallacii qu’il trouvait ressemblant avec Amphilestes macrocephala (maintenant Rhinagrion macrocephalum). Cette espèce présente des points noirs des deux côtés du thorax. J’ai bien du mal à accepter cette version, ayant rencontré R. macrocephalum… mais je n’ai pas d’autre explication.

Dactylostyla du grec daktulos qui signifie doigt et de styla du grec sylo pour colonne, pilier, puis du latin stylus,qui signifie poinçon sans doute en référence à la forme de la branche supérieure des appendices anaux supérieurs.
Martini ( Ris, 1911) (4) ; Ris écrit (en allemand) : » Le conseiller juridique, le Dr Martin, qui réside à Diessen, au bord du lac d’Ammer, a eu la grande amabilité de me confier une collection d’odonates qu’il avait ramenée de Bornéo en 1910. » Ludwig Martin (1858-1924) était un médecin allemand qui vécut et exerça sa profession pendant un certain temps à Palu, dans une ile du Sulawesi. Il collectionnait les insectes, principalement les lépidoptères, dans plusieurs îles d’Indonésie (alors colonie néerlandaise des Indes orientales).
1- Lieftinck, 1953 – New dragonflies (Odonata) from Borneo, with notes on their habits and larvae – Treubia 22 (2): 381-406. P. 386.
2- Dow, 2021 – AN ANNOTATED CHECKLIST OF THE ODONATA (INSECTA) KNOWN FROM SARAWAK WITH RECORDS TO DISTRICT LEVEL – Sarawak Museum Journal · January 2021
3- Dow & Reels, 2010 – The Odonata of three National Parks in Sarawak – Agrion 14(1) : 14–19.
4- Fliedner, 2023 – The scientific names of Ris’ odonate taxa, IDF Report.