
Dysphaea dimidiata fait partie d’un genre qui présente neuf espèces (1) dont trois sont présentes à Bornéo et au Sarawak (2) en particulier. Considéré par Selys (3) comme un sous-genre des Euphaea, il est depuis Kirby un genre à part entière dans la famille des Euphaeidae (une famille qui ressemble au Calopterygidae, ce qui explique pourquoi Selys l’a décrit dans son Synopsis des Caloptérygines).

C’est un magnifique zygoptère aux allures d’anisoptère lorsqu’il se repose sur un support en écartant les ailes, les positionnant comme nombre de Libellulidae dans un plan inférieur à celui du thorax. Ainsi, il affiche toute la beauté de ses ailes très largement tachée de noir, coloration qui renvoie des reflets violets sous certaines incidences.
Les anglo-saxons l’appellent Black velvetwings, soit très poétiquement « Ailes de velours noir »…
La proportion respective des zones hyalines et colorées est variable dans son aire de répartition, mais l’aile antérieure montre toujours une zone hyaline plus importante.
Ceux que j’avais rencontrés en Malaisie Péninsulaire présentaient tout à fait le même type de répartition. On trouvera d’ailleurs sur cette page des photos d’accouplement qui sont l’occasion de voir une femelle que nous n’avons pas rencontrée au Sarawak.


Nous les avons rencontrés sur une large rivière, la Timuoh River, un milieu assez ouvert, avec un fond tapissé de cailloux et de graviers et où par endroits des troncs immergés ou des rochers entravaient le courant. Ils aiment se poser sur ce type de support dominant le courant, d’où ils s’envolent brusquement pour attraper une proie ou chasser un concurrent et revenir le plus souvent à la même place.
À noter que c’était notre premier jour de beau temps après six jours essentiellement pluvieux.
Sur cette rivière, il se trouvait en compagnie de Neurothemis longipes, Libellago stictica, Libellago semiopaca, Rhinagrion borneense, Onychothemis coccinea, Pseudagrion perfuscatum, sans compter le cortège des espèces bien communes sur ce milieu comme Heliocypha biseriata, Prodasineura verticalis et même les Orthetrum schneideri et testaceum !
Sarawak, Rivière Timuoh, Annah Rais Hot Spring, 24/03/2025

Selon Ngiam & Ng (4), à Singapour, il mesure 44 à 48 mm.
Hämäläinen, Dow & Stokvis (1) nous signalent que l’abdomen du lectotype, sans les appendices anaux, mesure 35 mm, ce qui lui donne une taille d’environ 44 mm. Lectotype, car il n’y a pas d’holotype mâle désigné par Selys, sa collection comportant cinq sujets épinglés et pour en faire une description très précise, les auteurs ont dû choisir le sujet le mieux conservé.

Sa distribution s’étend de l’extrême sud de la Thaïlande et à travers la Malaisie et Singapour, à Java et au nord de Sumatra, et plus au nord, bien sûr à Bornéo, puis Palawan.
IUCN Red List.


Étymologie
Dysphaea vient de deux mots grecs, dys signifiant mal ou traduisant une anomalie, et de phaios signifiant sombre, obscure (et sans doute pas de phaûos (?), qui signifierait brillant, comme le suggèrent Ngiam & Ng (4)). Lorsque Selys crée ce genre, il l’établit comme un sous-genre des Euphaea et tous les Euphaea connus à cette époque, qu’il décrit dans le même document, ont les ailes noirâtres ou partiellement noirâtres, utilisant eu qui signifie bien, vrai et phaea pour sombre comme on vient de le voir et qui signifie donc « ailes bien sombres ». Il aurait peut-être appelé autrement ce genre s’il avait alors connu Euphaea ochracea, qu’il décrira en 1859 et qui fait exception avec ses ailes… ocrées.
Mais aucun de ces Euphaea ne présentait alors cette alternance sombre / clair / sombre, comme ce Dysphaea dimidiata pour lequel il crée le genre, qui présente donc une anomalie.
Dimidiata vient du latin dimidiatus qui signifie divisé par moitié, coupé en deux et insiste sur le fait que l’aile sombre est ici coupée en deux par une zone claire.
1- Hämäläinen,Dow & Stokvis, 2015 – Revision of the Sundaland species of the genus Dysphaea Selys, 1853 using molecular and morphological methods, with notes on allied species (Odonata: Euphaeidae)– Zootaxa 3949(4):451-490
2- Dow, 2021 – AN ANNOTATED CHECKLIST OF THE ODONATA (INSECTA) KNOWN FROM SARAWAK WITH RECORDS TO DISTRICT LEVEL – Sarawak Museum Journal · January 2021
3- Selys-Longchamps, Edm. de. 1853. Synopsis des Caloptérygines. Bull. Acad. Belg. 20, Annexe, 1-73 – P. 54.
4- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022