
Voilà 10 ans presque jour pour jour que j’ai rencontré l’espèce en Sicile et c’est la première fois que je la rencontre en France, après l’avoir observée en Afrique du Sud, en Éthiopie et sa cousine, sans doute une espèce à part entière, Trithemis annulata haematina à La Réunion.
C’est un Trithemis typiquement africain à la livrée spectaculairement cramoisie ou purpurine décrit très sommairement à partir de sujets d’Oware et du Bénin, mais difficile à confondre avec tout autre en France. Il est apparu en Espagne en 1978 puis en France continentale en 1994 (Corse en 1989).
Cet odonate estival est maintenant très bien implanté en France, son aire de répartition ne cesse de progresser lentement vers le nord, et tous les ans des « records » sont enregistrés ; dans la Vienne en 2016, en Indre-et-Loire (Joué-les-Tours-37) en 2018… Les conditions climatiques globales sont bien sûr responsables de l’extension de sa distribution qui s’observe partout en Europe (IUCN Red List).
D’autant qu’il n’est pas difficile quant à son habitat puisqu’on le rencontre sur des lacs, étangs, mares ou fossés, des ruisseaux ou même de grandes rivières.
Il mesure 32 à 38 mm.

Étymologie
Trithemis est composé du préfixe tri, pour trois, sans doute parce que la marge postérieure du pronotum des espèces de ce genre est trilobé, et de Themis. Themis est la déesse de la loi divine, de l’ordre et de la justice. Mais pourquoi Themis ; certainement parce que d’autres noms de libellules comportaient des noms de dieux comme Echo ou Nehalennia, et quand Brauer a créé le genre Trithemis, la mode était toujours « à la mythologie ». Ce nom de déesse a été utilisé, selon Fliedner (2004), plus de 50 fois, pour nommer des odonates et ce n’est que justice car « étant la déesse de l’ordre, Themis est une très convenable patronne des taxinomistes ».
Annulata du latin anulatus, qui signifie encerclé, pour les anneaux qui semblent entourer l’abdomen à la limite de chaque segment.
On trouvera ci-dessous la description de Palisot de Beauvois ; Ambroise Marie François Joseph Palisot, baron de Beauvois (1752-1820), était un naturaliste, botaniste et entomologiste français. Il faut signaler, car c’est assez rare pour les auteur de descriptions de cette époque, qu’il était un voyageur, explorateur et qu’il s’est rendu en Afrique (royaumes d’Oware et du Bénin) ainsi qu’aux Amériques. La description provient de son ouvrage, publié en fascicules entre 1805 et 1821, dont on trouvera la référence ci-dessous.

Je trouve cette description très intéressante car Palisot de Beauvois nous dit qu’il l’a vu voler et pourtant, il ne mentionne nulle part ce qui nous fait réagir à la vue de cet odonate ; sa couleur vineuse ou pourprée, pourtant très spectaculaire.
Il est difficile de croire que ce n’est pas volontaire, car notre auteur note bien, entre autres, la base des ailes roussâtre.
Palisot de Beauvois écrit « on la reconnaîtra aux caractères suivants…« , et je suppose qu’il s’adresse à des scientifiques qui auront en main des sujets de collection. Et sans les techniques modernes de conservation, on sait que ces spécimens perdent en particulier les couleurs pulvérulentes, comme ce rouge ou rose pruineux qui le recouvre. Les mâles ressemblent alors à des femelles vieillies.
Cette omission est peut-être volontaire pour s’assurer que l’on puisse reconnaître un sujet de collection d’après la description qu’il en faisait ; il ne rédigeait pas un guide de terrain mais une référence pour comparaison avec d’autres sujets en collection.
Malheureusement, la planche qu’il consacre à l’espèce, alors Libellulata annulata, ne peut en aucun cas correspondre à un Libellulidae, tant les yeux sont écartés. La forme de l’abdomen, des appendices anaux excluent totalement notre espèce…

Cela nous éloigne de notre sujet, mais dans la même publication, juste en dessous, il décrit une Libellula viridula, que personne n’a jamais su reconnaître. Je n’en suis pas surpris !

Palisot de Beauvois, 1807 – Palisot De Beauvois, Ambrose-Marie-Francçois-Joseph, Audinet Serville, Prêtre, Jean Gabriel, & Imprimerie de Langlois. (1805). Insectes recueillis en Afrique et en Amérique : dans les royaumes d’Oware et de Benin, à Saint-Dominique et dans les États-Unis, pendant les années 1786-1797 (p. 69). Imprimerie de Fain et compagnie.