Éthiopie – Pseudagrion torridum (Selys, 1876)

Pseudagrion torridum mâle, Ethiopie, lac Awasa, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle immature, Ethiopie, lac Awasa, 31/10/2018

Pseudagrion torridum fait partie de la centaine d’espèces de Pseudagrion présents en Afrique qui se répartit en un groupe A et un groupe B. Klaas-Douwe Dijkstra, qui m’a très gentiment aidé à identifier bon nombre de mes photos, me précise que la large bande antéhumérale et la nette indentation dans la partie postérieure de la ligne noire thoracique latérale (sur la suture humérale) signe généralement l’appartenance au groupe B.
L’identification de ce mâle immature est apportée par les appendices anaux, très particuliers, dont les cerques (appendices anaux supérieurs ou cerci) en anglais, portent une large expansion vers le bas et l’intérieur, claire et aplatie.

Pseudagrion torridum mâle, appendices anaux, , Ethiopie, lac Awasa, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle immature , appendices anaux, , Ethiopie, lac Awasa, 31/10/2018

Ci-dessous un schéma de ces appendices anaux reproduit d’après l’excellent site ADDO, African Dragonflies and Damselflies Online. [ Malheureusement, en reprenant cet article pour y ajouter les mâles matures, voir, plus bas, je dois signaler que ce site d’un intérêt énorme a disparu]. On le retrouve d’ailleurs dans l’excellent livre de Klaas-Douwe B. Dijkstra et Viola Clausnitzer (1) inventoriant et décrivant les odonates de l’Afrique de l’Est.

Dijkstra, K.-D.B (editor). African Dragonflies and Damselflies Online. http://addo.adu.org.za/ [2019-08-31]

Je n’ai malheureusement rencontré que des mâles immatures [erreur rectifiée plus bas] comme le témoigne leur coloration rosée. Il existe cependant deux formes de cette espèce, dont l’une qui conserve ce type de coloration, mais les mâles matures ont tout de même les deux derniers segments bleus. Pour avoir une idée de l’aspect des mâles de la forme nominale, on peut jeter un coup d’œil à ce Pseudagrion decorum photographié au Rajasthan (Inde…) que j’ai trouvé très ressemblant.
Ci-dessous un sujet encore plus jeune, aux yeux encore laiteux et aux taches postoculaires différentes.

Pseudagrion torridum mâle, Ethiopie, lac Awasa, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle immature , Ethiopie, lac Awasa, 31/10/2018

Sur le même site, c’est-à-dire sur une petite colline, une trentaine de mètres au-dessus du lac, parmi les mâles précédents se trouvaient quelques femelles. Les deux premières photos représentent sans doute une femelle mature, au regard de ses yeux bien colorés.

Sept ans après avoir rédigé cet article, je retrouve avec surprise une série de photos de mâles matures, que j’avais conservé à part pour témoigner d’un comportement très intéressant que je détaille enfin à la page suivante (à venir…).
Voici donc ces mâles matures, qu’on doit identifier par leurs appendices anaux, comme les immatures.

Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018

En dehors de la certitude apportée par la similitude des appendices anaux, parmi les espèces du groupe B, on ne peut le confondre en Éthiopie qu’avec P. nubicum (ici, un jeune mâle pas encore coloré), dont la bande antéhumérale noire est beaucoup plus large.

Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018

On le rencontre sur les ruisseaux et rivières, mais aussi les eaux stagnantes. Ici, les immatures se trouvaient sur la rive est du lac Awasa, 150 km au sud d’Addis-Abeba, à 1738 m d’altitude, les individus matures sur la rive est du lac Langano, dans les herbes à l’arrière-plan de cette photo, à 120 km de la capitale.
C’est certainement une espèce peu commune, il n’y a que 31 observations sur iNaturalist depuis 2013.

Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018

Il mesure environ 30 à 34 mm selon Henri Dumont (2).
Sa distribution dessine une ligne transversale depuis le Sénégal à l’ouest jusqu’à l’Éthiopie à l’est, et s’étend au sud vers le Kenya et l’Ouganda et jusqu’en Israël au nord.
IUCN Red List

Ci-dessous une photo amusante d’un mâle exprimant une réaction de défense, en courbant l’extrémité de son abdomen, face à l’intrusion dans son espace d’un Ischnura senegalensis mâle. Les Ischnura sont certainement le genre le plus agressif parmi les zygoptères et les champions incontestés du cannibalisme !

Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018
Pseudagrion torridum mâle mature, Éthiopie, Langano Lake, 31/10/2018

Étymologie
Pseudagrion (3) du grec ancien, pseudo –faux, erroné, et d’agrion, ceci, comme l’écrit Sélys (1876), pour témoigner de la difficulté à séparer ce genre des Agrion ; « les Pseudagrions [sic] semblent très voisins des vrais Agrion [sic] ». Agrion, du grec Agrios– sauvage, vivant dans les champs.
Torridum (4), du latin torridus qui peut être traduit par décharné, sec, aride, brûlant. Je me suis posé la question de savoir quelle traduction choisir ; un caractère physique de cette espèce (décharné, maigre ?) qui aurait marqué Selys ou la chaleur du pays d’origine (brûlant ?), où Selys ne s’est jamais rendu ?
N’ayant rien trouvé dans la description de Selys qui puisse apporter une explication, j’ai cherché d’autres insectes dont le nom d’espèce est formé sur torridus. Pour deux odonates décrits par le même auteur, Zygonyx torridus et Tyriobapta torrida, Kirby ne donne aucune explication.
Il faut se tourner vers les coléoptères comme Calodromius torridus (Fauvel, 1883), pour que l’auteur nomme l’espèce en référence à sa distribution tropicale sur l’île de la Réunion, faisant le lien avec le climat torride et insulaire. Ou Rhytisternus torridus (Blackburn, 1892) ou l’auteur note spécifiquement que le nom est dû à la « région aride et chaude«  (the « hot, arid region ») de sa découverte.
Ces exemples sont postérieurs à Selys, mais je pense qu’il ne faut pas chercher plus loin l’origine du nom des insectes qui partagent cette étymologie.

1- Klaas-Douwe B. Djikstra & Viola Klaustintzer, 2014 – The dragonflies and damselflies of Eastern Africa. Handbook for all odonata from Sudan to Zimbabwe. Studies in Afrotropical Zoology V. 298.
2- Henri Dumont, 1991 – Odonata of the Levant – Fauna Palaestina – Insecta V.
3- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird publishing.
4- Synopsis des Agrionines, 5me légion: Agrion (suite). Le grand genre Agrion. Bulletin Académie royale Belgique p. 500.

Cet article fait partie des odonates observés en Éthiopie, pour revenir à la page des Odonates d’Éthiopie cliquer ici.

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