Stenagrion dubium est un Coenagrionidae qui présente un très long abdomen, 40 mm (1) pour un thorax de 7 mm. De près, il est très attrayant, car si les spots bleus de l’extrémité de son abdomen apporte un peu de couleur, ce n’est rien par rapport à sa face, ses yeux et son thorax, jaune et vert lumineux, dominé d’un décor bleu original. Et je n’ai pas résisté à faire faire trop de photo de ce lutin de l’ombre.
J’ai franchement adoré ce zygoptère pour ce mélange de teintes ; le pronotum est richement décoré de bleu avec une peu commune double ligne centrale qui se poursuit sur le reste du thorax et ses bandes antéhumérales sont spectaculairement « déchirées » ; c’est d’ailleurs un caractère qui n’est pas absolument constant, on trouve des individus sur iNaturalist avec des bandes complètes.
Il est bien difficile de trouver un autre zygoptère avec lequel on puisse le confondre, à Bornéo, ou ailleurs en Asie. Il existe pourtant, depuis Hämäläinen, 1997 (2) un autre Stenagrion, Stenagrion petermilleri, dont je n’ai pu trouver aucune photo, mais dont le thorax forme « une mosaïque de couleur noire, marron foncé, bleu et jaune olive ». On ne le rencontre que dans la province de Palawan aux Philippines.
Nous l’avons rencontré sous la pluie, mais les averses ne doivent pas lui importer, car il vit dans le spray et les éclaboussures des cascades. Ici, c’est au pied d’une minuscule chute d’eau, là où un ruisseau forestier joint un fossé, le long de la route. Il était en bonne compagnie, puisqu’avec lui, ou plutôt dans le fossé envahi de végétation, nous avons découvert Coeliccia nigrohamata et cf. nemoricola, Drepanosticta rufostigma et Devadatta clavicauda.
Il existe deux formes (3) de Stenagrion dubium, qui ne diffèrent que par la couleur de la face : une forme avec la face jaune, celle que nous avons rencontrée autour de Kuching et l’ouest du Sarawak, une forme avec la face bleue dans tout le reste du Sarawak, Brunei et Sabah et au Kalimantan.
Il est d’ailleurs endémique de Bornéo.
IUCN Red List.
Étymologie
Stenagrion, du grec stenos, pour étroit et de agrion, du grec agrios– sauvage, vivant dans les champs. Laidlaw (4) écrit : » Body very slender… (Corps très mince…) » qui pourrait expliquer l’étroitesse évoquée. Mais il commence sa description par « Wings petiolated to the level of A* ». Il est donc également possible qu’imitant Selys et son genre Stenobasis (devenu Archibasis), il ait voulu insister sur les ailes longuement pétiolées (voir l’étymologie de Archibasis melanocyana).
S’il a rajouté le terme Agrion c’est qu’il a d’abord décrit l’espèce sous le nom de Pseudagrion dubium (1) en exprimant toutefois les réserves qui justifient son nom d’espèce.
Dubium, du latin dubium, qui signifie doute, hésitation, traduit l’incertitude quant à son appartenance au genre Pseudagrion. C’est Laidlaw lui-même qui en 1915 (4), appuyé par les doutes de Ris, créera pour lui le genre Stenagrion.
1- Laidlaw, 1912 – List of the Odonata taken on a expedition to Mt. Batu Lawi together with description of supposed new species – Journal of the Straits Branch of the Royal Asiatic Society, No. 63 – P. 102.
2- Hämäläinen, 1997 – Stenagrion petermilleri spec. nov. from Palawan, the Philippines (Zygoptera : Coenagrionidae) – Odonatologica 26(4) : 473-475
3- Dow, 2019 – Odonata from Sri Aman Division south and west of the Lupar River and from the Kelingkang Range, Sarawak – Journal of the International Dragonfly Fund 137 (1-26).
4- Laidlaw, 1915 – Contributions to the study of the dragonfly fauna of Borneo. Part III. A collection made on Mount Kina Balu by Mr J.C. Moulton in September and October 1913. Proceedings of the Zoological Society of London, 1915, 25–39. P. 39.