
Selys a d’abord décrit Podolestes orientalis (1) comme un sous-genre de sa Légion des Podagrion, avant de noter que le terme Podagrion était préoccupé par un Hyménoptère (2).
C’est en tout cas un magnifique Argiolestidae qui se pose, comme c’est la loi de la famille, avec les postérieures complètement ouvertes et les antérieures un peu moins. La coloration bleue qu’il porte sous forme de taches, contraste avec la teinte chocolat (ou vert foncé métallique, mais il y a peu de lumière dans son environnement) de son thorax et de son abdomen.


Cependant, tant les marques thoraciques qu’abdominales sont variables en taille et en intensité de coloration.
Son aile postérieure mesure 26 à 28 mm et l’insecte entier mesure 42 à 46 mm. Noter la touffe de soies que l’on devine sous le 10° segment.

Il y a 6 Podolestes à Bornéo, seulement quatre dans la zone que nous avons prospectée. Celui-ci est le plus commun et s’adapte à de nombreux biotopes. Nous n’avons rencontré que P. harrissoni dans une tourbière en forêt, sans tache de couleur et pruineux.
Mais dans cette région, on contacte aussi P. chrysopus, beaucoup plus rare et très proche de P. orientalis mais son labrum (lèvre supérieure) est sombre, celui de notre espèce est jaune (bien visible sur les photos sur lesquelles l’on voit la face, même de profil). Enfin, une dernière espèce a été décrite en 2019 et ne serait présente que dans la région du parc National de Maludam, P. parvus.

On le rencontre en forêt, sur les tourbières, les petites mares et ruisseaux marécageux, en tout cas dans des zones à l’ombre. Il se pose généralement assez bas, vole peu et peut ainsi facilement passer inaperçu. Il semble que si on le dérange, il soit fidèle à son perchoir, comme de nombreux Libellulidae.
Les larves, qui ont de longues pattes comme les imagos, sont rarement trouvées, et se cachent dans la litière de feuille de ces pièces d’eau à très faible profondeur. Leurs lamelles caudales sont très larges (4).


Acceptant des habitats différents, il est le plus répandu du genre et sa distribution s’étend à travers la Péninsule Malaisie à Sumatra et Bornéo. J’avais déjà eu la chance de le rencontrer dans le centre de la Malaisie en 2013.
IUCN Red List
En Malaisie, je n’avais pas rencontré de femelles, cette lacune est réparée. Elles sont très ressemblantes aux mâles, mais leur abdomen et surtout leur ovipositeur est massif.


Étymologie
Podolestes, du grec pous–podo qui signifie pied ou jambe, et de lestes. Lestes a été créé par Leach (1815) et vient du mot grec ληστησ qui signifie voleur ou pirate, très vraisemblablement en raison de la forme des appendices anaux qui évoque le coutelas courbé et dentelé des pirates (5). Selys écrit : « Pieds longs, longuement ciliés, à onglets des tarses simples« . Selys fait donc certainement référence aux « pieds » particuliers de ce genre, que ce soit à propos de leur longueur ou de leurs tarses spécifiques et mentionnés en italique, ou des deux.
Orientalis est un adjectif latin qui signifie oriental. Dans sa publication sur les « Podagrion », Selys décrit d’abord beaucoup d’espèces du Nouveau Monde, ensuite des Africaines, puis des Océaniennes et enfin les genres 8 et 9, Podolestes et Amphilestes natives de l’est de l’Asie (il faut rappeler que Selys crée ce genre pour cette espèce, la seule connue, d’une unique femelle).
En anglais, on l’appelle Blue-sided flatwing.
1- Selys, 1862 – Synopsis des Agrionines : 3° Légion : Podagrion. P. 42
2- Selys, 1886 – Révision du synopsis des Agrionines – P. 89
3- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022
4- Chee Yen Choong & Albert George Orr, 2010 – The larva of Podolestes orientalis from West Malaysia, with notes on its habitat and biology (Odonata: Megapodagrionidae) – International Journal of Odonatology 13(1)
5- Matti Hämäläinen & Heinrich Fliedner, Notulae odonatologicae 10(1) 2023:8-16 – Why did William Elford Leach call a small damselfly a « pirate » ? – Revisiting the etymology of the genus Lestes (Odonata: Lestidae)