Bornéo, Sarawak – Heliocypha biseriata (Selys, 1859)

Heliocypha biseriata mâle, Sarawak, Gunung Gading National Park, 22/03/2025
Heliocypha biseriata mâle, Sarawak, Gunung Gading National Park, 22/03/2025

Heliocypha biseriata, Chlorocyphidae, fait partie d’un genre qui contient neuf espèces spectaculaires qui, à elles seules, valent le voyage ! C’est la troisième que je rencontre après H. perforata et H. biforata (très voisin…), mais d’autres membres des Chlorocyphidae sont proches et spectaculaires aussi, comme Aristocypha fenestrella, ici en Thaïlande.

L’intensité de la coloration thoracique rose, et surtout fuchsia sur le pronotum et la partie antérieure du thorax est étonnante. La forme triangulaire à base arrondie est parfaitement dessinée. Ils se parent même de minuscules taches postoculaires de la même couleur.
Cette répartition des couleurs fait qu’il n’est pas possible de le confondre avec une autre espèce à Bornéo.

Sur les photos ci-dessus, on note bien sûr la face caractéristique des Chlorocyphidae, dotée d’un curieux appendice qui ressemble à un nez et qui explique pourquoi Selys,1859 les a placés dans les Rhinocypha (rhino sgnifie nez en grec).

Ils se plaisent sur des rivières forestières ouvertes, larges et parfois rapides, au fond caillouteux ou sableux. Ils aiment se percher sur les rochers pour surveiller leur territoire et en chasser les intrus. C’est bien dans cet habitat que nous les avons rencontrés, postés sur des rochers entourés d’eau.
Il mesure environ 39 mm au total.

Sarawak, Gununug Gading N. P., 22/03/2025
Sarawak, Gununug Gading N. P., 22/03/2025

La quasi-totalité des données concernant cette espèce provient de Bornéo où elle est assez commune. Elle a été signalée sur deux ensembles d’îles proches de l’Indonésie mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu confusion avec H. biforata dans un de ces cas.
IUCN Red List.

En effet, les deux espèces sont presque jumelles et Rory Dow (2021) écrit que Heliocypha biseriata est susceptible de s’avérer être la même espèce que la très répandue H. biforata (Selys, 1859).
Selys décrit d’ailleurs successivement les deux espèces et note la coloration alaire plus étendue pour Heliocypha biseriata ; pour le reste, en particulier ces taches, irisées violettes ou presque hyalines selon l’incidence de la lumière, la description est quasi identique. Curieusement, il écrit que la seule différence entre les deux espèces est la longueur des ailes, mais il donne la même longueur d’aile inférieure pour les deux espèces, 23 mm.

Selys, 1859 – Additions au synopsis des Calopterygines
Selys, 1859 – Additions au synopsis des Calopterygines

Il est donc très vraisemblable que ces deux Heliocypha soient la même espèce. Comme je l’ai déjà écrit, les descriptions se succèdent sur la même page (pour des raisons de meilleur affichage, je les ai placées ci-dessus côte à côte) et je suppose que le premier décrit conservera plus tard la préséance, et biforata sera réduit au rang de synonyme.

Heliocypha biseriata vs Heliocypha biforata
Heliocypha biseriata vs Heliocypha biforata

Sur la Timuoh River, large rivière à fond de graviers avec un courant notable par endroit mais peu profonde, les sujets étaient postés au soleil sur les rochers ou les troncs plus ou moins pourris où les femelles tentaient de pondre.

Heliocypha biseriata femelle, Sarawak, Rivière Timuoh, Annah Rais Hot Spring, 24/03/2025
Heliocypha biseriata femelle, Sarawak, Rivière Timuoh, Annah Rais Hot Spring, 24/03/2025

Mais, quand elles veulent avoir la paix et ne pas être harcelées par les mâles, elles se réfugient dans les branches proches de la berge.
Même si elles semblent très différentes des mâles, il est amusant de constater que le pattern de la face latérale du thorax est semblable, à l’exception bien sûr de la ligne antéhumérale supérieure qui est beaucoup plus fine et non rose. La forme des taches abdominales correspond également.

Étymologie
Heliocypha ; le genre a été créé par Fraser (1949), et cette espèce, nommée auparavant Rhinocypha biseriata par Selys a rejoint le genre. Fraser donne comme critère des mâles de ce genre le triangle rose (peach-blossom pink in colour soit rose fleur de pêcher) de ces espèces à la partie antérieure du mésothorax.
On peut supposer (car Fraser ne donne aucune indication) que Helio, du grec Heliossoleil, est une référence à la façon dont la lumière du soleil embellit les ailes en les irisant. Cypha vient de cyphos qui signifie bossu pour évoquer la curieuse excroissance qu’ils portent sur la face et qui est une constante pour les genres appartenant aux Chlorocyphidae.
Biseriata de bi, pour deux et de seriata qui signifie en série, pour rappeler les deux séries de marques empilées sur les ailes, ce qu’on évalue sans doute mieux sur la seconde photo de cette page. Noter que l’étymologie de biforata reprend tout à fait ce sens.

Heliocypha biseriata mâle, Sarawak, Rivière Timuoh, Annah Rais Hot Spring, 24/03/2025
Heliocypha biseriata mâle, Sarawak, Rivière Timuoh, Annah Rais Hot Spring, 24/03/2025

Enfin, l’espèce est suffisamment rare et surtout localisée géographiquement pour ne pas avoir de nom vernaculaire anglais.
Les Chlorocyphidae sont souvent appelés Jewel Damselflies, ce qui est aisé à comprendre.

Dow, 2021AN ANNOTATED CHECKLIST OF THE ODONATA (INSECTA) KNOWN FROM SARAWAK WITH RECORDS TO DISTRICT LEVEL – Sarawak Museum Journal · January 2021
Fraser, 1949A revision of the Chlorocyphidae (Odonata) with notes on the differentiation of the Selysian species, rubida, glauca, cyanifrons and curta. Bulletin de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique. 25(6) 1-50. P. 16.
Selys, 1859 – Additions au synopsis des Calopterygines. Bulletins de l’Académie royale des sciences, des lettres et
des beaux-arts de Belgique. P. 446.

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