Les cas de prédation par Anax imperator sur des zygoptères ou des anisoptères sont régulièrement rapportés. J’avais observé, il y a quelques années, un Anax imperator mâle ayant capturé un Orthetrum albistylum, mais celui-ci était parvenu à s’échapper. Ce ne sera pas le cas pour cette femelle Cordulia aenea.

Ce 20 mai 2025, en tout début d’après-midi, il fait très beau avec un peu de vent et je prospecte dans une partie où les brandes sont basses et peu abondantes dans la Réserve Naturelle du Pinail (F-86). Il est 14 h 24 et je suis survolé, assez bruyamment, par un gros odonates, que je n’identifie pas instantanément, mais je suppose que c’est un accouplement en vol. Je le suis des yeux et coup de chance, il se pose à une quinzaine de mètres de moi, dans les ajoncs. Les yeux fixés sur son emplacement, je me hâte vers lui, traversant les ajoncs et les dépressions en ligne droite ; ceux qui connaissent le Pinail savent ce que cela signifie !
Et je découvre que loin de s’accoupler, l’un des odonates sert de repas à l’autre ; une femelle Anax imperator débute tout juste son repas d’une femelle Cordulia aenea.
Photo ci-contre à 14 : 25 :10.
Anax imperator fait partie des plus grands odonates d’Europe et mesure 66 à 84 mm alors que Cordulia aenea n’atteint que 47 à 55 mm.
Je ne sais pas si la capture a eu lieu posé ou plus vraisemblablement en vol ; le doute est permis, car on voit un chapelet d’œufs pendre de la victime. Était-elle en ponte, ou est-ce simplement le stress qui déclenche cette ponte réflexe qui survient aussi, lorsque, nous, humains, capturons certaines femelles ?
Comme dans la plupart des cas, la prédation commence par les yeux, c’est-à-dire la tête, sans doute pour détruire les centre nerveux principaux qui pourraient encore déclencher des mécanismes de défense et de fuite. Noter qu’une minute après le début de la prédation, la tête a déjà été dévorée.


Le repas se poursuit par le thorax, et la prédatrice est vraiment très occupée, ce qui me permet de m’approcher de plus en plus…
Sur la photo de droite, on peut observer une des pièces bucales, un palpe maxillaire noir doté de 2 griffes terminales, juste en avant du labrum (qu’on peut assimiler à la lèvre supérieure).


Les dimension de la bouche est spectaculaire ; je m’étais déjà fait la réflexion en observant un Cordulegaster bidentata dévorer un hyménoptère, il y des années, en Ardèche.

Évidemment, mon insistance a eu raison de la patience de l’Impératrice, qui a pris le large. Je l’ai suivie, retrouvée, fait la photo ci-dessous, mais elle a presque aussitôt redécollé avec sa proie et je l’ai perdu de vue.
Il faut noter que c’est la première Cordulia aenea que je voyais sur le site, alors que j’avais prospecté toute la matinée ; j’en verrai quelques-unes plus tard, mais à une bonne distance de cette partie de la réserve.

Sur le forum Odonates du Monde des Insectes, il existe rubrique Prédation entre Odonates dans laquelle on trouve plusieurs cas de prédation par Anax imperator sur :
– Gomphus pulchellus
– Sympetrum sanguineum
– Diplacodes lefebrvii
– Libellula fulva
– Crocothemis erythraea
– Orthetrum cancellatum
Sur iNaturalist, en filtrant les Anax imperator dans les données du projet Odonata – predation (eating) on a accès à ces quelques données (les proies ne sont pas toujours identifiées).
Beau reportage pour une belle obs ! Bravo !
Merci 😉
bonjour Benoît, vendredi dernier, j’ai vu un imperator attraper en vol une L. pectoralis. Malheureusement, il est parti faire son repas au sommet d’un jeune pin, impossible de prendre des photos… Même chose pour une prédation de pectoralis sur un coenagrion sp.: il s’est posé quelques secondes juste devant moi sur une fougère, puis a préféré prendre de la hauteur…
Oui, les cas de prédation extra spécifiques ne sont pas rares, il y a plusieurs exemples sur le site. Ce qui est plus rare, c’est d’arriver à les photographier…